Aussi appelé l'Everest des mers, le Vendée Globe est la plus grande course de voile autour du monde sans escales où toute aide extérieure est interdite. Les participants doivent donc se débrouiller par eux-mêmes pour terminer la compétition en un seul morceau, tout à cherchant à être plus rapide que les autres. Pour la dernière édition du 10 novembre 2024 au 7 mars 2025, la skipper genevoise Justine Mettraux est arrivée 8ème du classement et a pulvérisé le record féminin, devenant la navigatrice la plus rapide du monde.
«J’avais peur de ne pas terminer la course, d’avoir un souci technique que je n’aurais pas pu réparer et qui m’aurait forcée à abandonner, comme un démâtage par exemple», se souvient-elle. Non seulement la navigatrice a terminé la compétition en sécurité, mais elle a aussi battu en 76 jours le record féminin de l'épreuve, précédemment détenu par la skipper Clarisse Crémer.
Venue rencontrer ses fans à Genève ce mercredi 14 mai pour un évènement organisé par le Service des sports de la ville, elle se confie sur les piliers qui l'ont portée pendant sa course effrénée autour du monde.
Une passion depuis toujours
Initiée à la navigation par sa famille, Justine Mettraux fait ses débuts sur le lac Léman, mais c'est lors d'un camp de voile à l'âge de 16 ans que sa vie prend un autre tournant. Elle découvre qu'elle peut naviguer toute seule et se lance dans le Tour de France à la voile.
Depuis, la skipper a participé à des courses prestigieuses comme la Solitaire du Figaro ou la Route du Rhum, une préparation nécessaire pour se qualifier pour le célèbre Vendée Globe, mais aussi pour s'habituer à la solitude en mer pour qu'elle devienne un compagnon de route. «La solitude devient presque naturelle, on a tendance à oublier qu’on est un peu seul face au monde», nous confie la navigatrice.
Une équipe solide
Entre gestion de projet, optimisation du matériel, recherche de sponsors et entraînement physique et mental, la préparation du Vendée Globe est extrêmement prenante. Pour mettre toutes les chances de son côté, les participants doivent donc s'entourer d'une équipe de choc afin d'être le mieux équipés possible une fois livrés à eux-mêmes en haute mer.
«C’est l’énergie que j’ai mise dans la préparation de cette course avec mon équipe qui m'a aidée à ne pas baisser les bras. La préparation de ce projet et du bateau demande tellement d’énergie, et puis il fallait de toute façon ramener le bateau aux Sables-d’Olonnes», raconte Justine Mettraux.
Malgré la distance avec la terre ferme, les skippers restent en contact très régulièrement avec leur équipe, qui s'assure qu'ils se portent bien. Car une fois entrés dans la zone du Grand Sud, les secours peuvent mettre plusieurs jours avant de rejoindre les participants.
Un bateau pour seul refuge
Pendant plusieurs mois à la merci des vagues et des conditions météo, les participants doivent trouver quelques moments de répit pour se reposer. Mais pas facile de trouver le sommeil dans un environnement qui bouge et qui grince de partout. De plus, les bruits du bateau sont aussi des indices précieux pour s'assurer qu'il est en bon état, les skippers sont donc constamment aux aguets. Alors comment faire pour tenir le coup?
«La recommandation des spécialistes est d’avoir à peu près 5h de sommeil entrecoupé sur 24h, moi par exemple j’ai dormi au maximum pendant une heure d’affilée», raconte Justine Mettraux. «Ça me permet de vérifier que le bateau est toujours au maximum de son potentiel», ajoute-t-elle.
Trouver du confort à bord est un vrai défi, mais passer plusieurs mois sans recharger ses batteries pourrait compromettre les performances des participants. «Il faut essayer de ne pas rater nos trois repas par jour, car en déficit de sommeil, la source principale d’énergie devient l’alimentation», explique Justine Mettraux.
Pour maximiser la légèreté du bateau et stocker ses provisions, elle se nourrit de plats séchés ou lyophilisés et, en bonne Suissesse, mange aussi un peu de fromage, de viande séchée et de chocolat pour tenir bon.
Des proches aimants
Pendant la compétition, toute aide extérieure est proscrite, qu'elle soit matérielle, physique ou psychologique. Dans les moments de doute ou de découragement, les proches sont de vrais phares dans la nuit pour les skippers, et Justine Mettraux a pu compter sur le soutien de ses frères et sœurs durant la course.
En passant la ligne d'arrivée le 25 janvier, elle a aussi eu la belle surprise de voir que ses amies d'enfance avaient fait le déplacement depuis la Suisse pour venir la féliciter. «Ça m’a fait très plaisir, je ne m’y attendais pas du tout, mes amies du cycle et du collège sont venues m’accueillir et elles avaient la larme à l’œil. Il y a eu beaucoup d’émotions, j’étais très contente qu’elles aient pu me suivre dans mon aventure et d’avoir pu les emmener avec moi», raconte la skipper.
Un mental d'acier
Un bon skipper est un vrai perfectionniste, et Justine Mettraux ne fait pas exception. Pour elle, son record du monde «est une belle satisfaction, mais il y a pleins de choses que j'aurais pu mieux faire». A peine la course bouclée, elle a repris son entrainement et se prépare actuellement pour la transatlantique du Café l'Or, qui relie Le Havre à la Martinique, et à laquelle elle participera aux côtés du skipper Xavier Macaire, le 26 octobre 2025.
D'après les rumeurs, elle serait la mieux placée pour remporter la prochaine édition du Vendée Globe en 2028, mais sa participation reste un secret. Fidèle à ses débuts sur le lac Léman, Justine Mettraux sera présente au Bol d'Or du 13 au 15 juin, soit la plus importante régate du monde en bassin fermé, évènement dont elle est la marraine.