Un commentaire de Richard Werly
L'Ukraine ne doit plus miser sur les Européens

La rencontre annoncée entre Donald Trump et Vladimir Poutine, à laquelle pourrait se joindre Volodymyr Zelensky, confirme que le sort de l'Ukraine se joue entre Washington et Moscou. Il faut que Kiev en tire les conséquences, estime notre journaliste Richard Werly.
Publié: 15:55 heures
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Dernière mise à jour: 17:50 heures
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a échangé au téléphone mercredi 6 août avec Donald Trump.
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vous connaissez l’adage: les promesses n’engagent que ceux qui les croient… Volodymyr Zelensky ferait donc bien de s’en souvenir, à la veille de la rencontre imminente entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Car plus l’on se rapproche de cette échéance, dont on ne connaît pas encore les contours, plus l’évidence apparaît: les Européens, qui ont tant promis, ne seront pas en mesure d’honorer leurs engagements vis-à-vis de Kiev si Moscou et Washington en décident autrement.

Ces promesses européennes sont pourtant gravées dans le marbre. A plusieurs reprises, les dirigeants des grands pays de l’Union européenne, Emmanuel Macron en tête, ont redit qu’ils soutiendraient l’Ukraine sur le plan militaire et économique «aussi longtemps qu’il le faudra». En volume d’aide (pour financer le budget ukrainien, fournir des équipements militaires ou acheter des armes américaines) d’ailleurs, l’UE et ses pays membres paient plus que les Etats-Unis. Sauf que signer des chèques n’est en rien une garantie de sécurité et de solidarité à terme. Surtout à l’heure où les forces nationales populistes européennes ont le vent en poupe, surfant sur la vague Trump.

Nouveau président polonais

La dernière manifestation en date de ce basculement politique en cours est l’investiture, ce mercredi 6 août, du nouveau président polonais Karol Nawrocki. Ce nationaliste est un fervent supporter de Trump, qui l’a accueilli en mai dans son bureau ovale. Or bien qu’il soit très opposé à la Russie, jamais Nawrocki, président d’une Pologne en passe de devenir l’un des premières puissances militaires du continent, ne s’opposera à Washington à propos de son voisin ukrainien. De quoi mettre encore plus de pression sur Kiev.

Le fait d’écrire ces lignes ne veut pas dire que les promesses européennes à l’Ukraine sont injustifiées, que les accusations portées contre la Russie de Poutine sont fausses, ou que Donald Trump va prendre le parti de la Russie contre l'Europe. La leçon de ces derniers mois est juste que le rapport de force est de moins en moins tenable pour une Union européenne qui vient de faire d’énormes concessions commerciales aux Etats-Unis.

Les promesses d’Ursula

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen peut toujours affirmer que l’intégration de l’Ukraine dans l’UE va se faire de façon accélérée. In fine, l’Ukraine de demain sera le résultat d’un triangle de volonté: l’empressement pacifiste du businessman Trump, l’obsession impériale de Poutine, et la résistance d’un peuple ukrainien bien plus coriace que le Kremlin ne le pensait.

Volodymyr Zelensky sait, en plus, que l’un des sujets entre Trump et Poutine sera la remise en cause de son propre mandat, entamé en 2019, pour qu'une nouvelle élection présidentielle soit organisée rapidement en Ukraine. Or là aussi, loi martiale ou pas dans son pays, pas d’illusions: le président Ukrainien devra se plier au calendrier conjoint de Washington et Moscou.

«Vous n’avez pas les cartes en main», lui avait vertement reproché Donald Trump à la Maison Blanche, lors de leur entrevue en forme d'embuscade du 28 février. La formule peut, cinq mois plus tard, s’appliquer aux Européens à qui Donald Trump vient de refuser, par avance, une place à la table des discussions.

Avant même que le match démarre, le «hors-jeu» européen est en train de virer, pour de bon, au carton rouge.

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