La chronique de Quentin Mouron
En Suisse, une police de plus en plus violente

Alors que les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien se multiplient en Suisse, la répression policière se durcit. Le signe que l’ordre bourgeois s’est radicalisé, selon l’écrivain Quentin Mouron.
Publié: 17.10.2025 à 13:21 heures
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Quentin Mouron critique la répression policière.
Quentin Mouron
Quentin MouronEcrivain

Tirs de gaz lacrymogène à l’aveugle, canons à eau, véhicules blindés, «nassage», arrestations massives. Alors que la solidarité avec la Palestine a des allures de mouvement mondial, alors qu’en appui du cessez-le-feu fragile les appels à la justice se multiplient partout, en Suisse, la répression s’étend.

En juin dernier, à Lausanne, un rassemblement spontané et pacifique avait été encadré de manière professionnelle par les agents de police. Il n’y avait eu ni tirs de gaz, ni jets de projectiles, ni dégâts matériels. Certes, pendant une quinzaine de minutes, on avait brièvement fait irruption sur les voies de chemin de fer, et les CFF en avaient profité pour se dédouaner des retards et suppressions pendant 48 heures. Mais, dans l’ensemble, aucun incident majeur n’avait été signalé, aucune interpellation et aucun policier blessé.

Crainte d'affrontement?

Mais en septembre, une manifestation de soutien à Israël a été organisée par des officines proches de l’extrême-droite. Cette fois-ci, la police a bloqué puis coupé le cortège de la contre-manifestation propalestinienne, et fait usage de gaz et de canons à eau. Elle s’est justifiée en disant craindre un affrontement entre factions rivales.

«
Encerclez des foules, aspergez-les de gaz, et vous obtiendrez de la violence
»

Au début du mois, c’est à Genève que la police a fait un usage démesuré de ses canons à eau, et qu’elle a gazé arbitrairement non seulement les manifestants rassemblés en solidarité avec Gaza, mais encore les simples voyageurs qui attendaient de rentrer chez eux en gare de Cornavin. Comme l’a déclaré Anita Goh, responsable d’Amnesty: «Ce qui s’est passé le 2 octobre est l’illustration de tout ce que la police ne doit pas faire lors d’une manifestation spontanée pacifique. Tout nous indique que ce recours à la force était illégal, injustifié et inutile.»

Pas une «radicalisation» de la population

Samedi dernier, enfin, la police bernoise a surpassé ses homologues romands en encerclant des centaines de manifestants pendant des heures, selon le principe de la «nasse». D’après de nombreux témoignages concordants, les manifestants ont été immobilisés dans une rue pendant plusieurs heures, jusqu’à tard dans la nuit – dans le froid, sans possibilité de boire, de manger ou d’aller aux toilettes. Plusieurs d’entre eux ont ensuite été placés en garde à vue. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le journal «Le Monde» fait état de 536 interpellations, et de 20 policiers légèrement blessés.

Cette progression inquiétante des tensions n’indique pas une «radicalisation» de la population. À Berne, les manifestants n’étaient pas plus quérulents que trois mois plus tôt, quand vingt mille personnes s’étaient rassemblées sans le moindre problème, sans la moindre dégradation, sans le moindre jet de projectile sur les forces de la police. Seulement, entre-temps, la répression s’est durcie. Encerclez des foules, aspergez-les de gaz, et vous obtiendrez de la violence.

De plus, en refusant de reconnaître l’État de Palestine, en refusant de sanctionner Israël, en faisant payer plein prix son soi-disant «travail diplomatique» aux membres de l’équipage de la flottille humanitaire, la Suisse s’est placée sciemment du côté de ceux qui foulent aux pieds la solidarité – et qui en répriment brutalement les manifestations. Partout, l’ordre bourgeois qui s’est radicalisé. Alors partout, la résistance s’organise.

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