Le spectre de la corruption plane sur le marché immobilier du canton de Genève. Selon des révélations du «Matin Dimanche», une trentaine de professionnels dans le domaine de la promotion et de la construction sont dans la ligne de mire de la justice.
Soupçonnés de «corruption privée» parmi d'autres infractions, ils auraient été impliqués dans des transactions louches où des commissions exorbitantes, dépassant le million de francs, auraient été touchées ou versées lors de la vente de villas luxueuses. L'affaire a démarré début 2020 dans la commune genevoise de Vésenaz.
Commissions en millions
Un propriétaire, nommé Monsieur L. par le dominical, découvre que sa villa en construction est délaissée, les artisans impayés depuis des mois. NEGG SA, l'entreprise générale, était au centre de ces chantiers en déroute. À la suite de plaintes de propriétaires floués, une enquête judiciaire a mis au jour des transactions douteuses entre NEGG et l'Agence A., une société de promotion immobilière accusée d'avoir orchestré la vente des villas problématiques.
Pour trois maisons à Vésenaz, NEGG a déboursé plus de 1,2 million de francs en honoraires à l'Agence A., dont une partie n'apparaissait pas dans le contrat de vente. Ces montants camouflés auraient contribué à l'arrêt des chantiers, selon Monsieur L.
L'emballement d'une pratique louche
Les dirigeants de NEGG, confrontés à la justice, ont justifié ces versements comme étant le coût pour décrocher des marchés. Ils auraient sous-évalué leurs tarifs pour gagner les appels d'offres. Finalement, l'entreprise n'a plus eu assez d'argent pour finir ses chantiers, développe le dominical.
Caroline Schumacher, avocate de l'ex-patron de NEGG, critique l'emballement de la pratique de versements des entreprises générales aux promoteurs. Selon elle, c'est cet emballement qui a conduit son client à la ruine. NEGG a coulé en 2021, laissant derrière elle des villas incomplètes et des acheteurs dépités.
Passage en prison
Du côté de l'Agence A., deux dirigeants, interpellés et incarcérés pour un temps, rejettent les accusations. Ils soutiennent que leur rémunération était légitime, récompensant les risques pris et le travail accompli. Les montants étaient connus des banques et déclarés aux impôts, affirment-ils. Ils sont présumés innocents.
L'enquête s'est considérablement étendue depuis les premières révélations, touchant une trentaine de projets immobiliers et plus de 30 professionnels accusés de «corruption privée». Le scandale a secoué le milieu immobilier genevois, révélant une pratique controversée de commissions versées entre différents acteurs du secteur en échange de contrats.
Fin d'un cauchemar
Face à cette affaire, des appels à la réforme se font entendre pour plus de régulation et de transparence. Pendant ce temps, les victimes luttent pour réparer les défauts de leurs maisons et espèrent obtenir justice.
«Maintenant, j'ai tellement lutté et souffert que j'irai jusqu'au bout», confie une victime au «Matin Dimanche». Elle est déterminée à voir la fin de ce cauchemar immobilier.