Sept mois après son arrivée à la tête du ministère de la Santé, Robert F. Kennedy Jr. suscite de vives tensions au sein de son propre camp. Des figures républicaines, qui l’avaient pourtant soutenu, se montrent aujourd’hui très critiques, en particulier sur la question vaccinale.
Jerome Adams, ancien administrateur de la Santé publique sous Trump, a même réclamé son limogeage immédiat: «Je suis profondément préoccupé par la santé et la sécurité de notre nation sous la direction actuelle de RFK.» Une fracture se crée chez les républicains autour des politiques sanitaires du ministre de la Santé.
Ces prises de distance surviennent dans le sillage d’une audition tendue jeudi 4 septembre au Capitole, où Kennedy a été interrogé sur ses positions anti-vaccins, ses efforts pour limiter les accès aux vaccins et sur le renvoi brutal de Susan Monarez, directrice des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Celle-ci a affirmé avoir été poussée vers la sortie pour avoir refusé de cautionner «des directives non scientifiques et dangereuses».
«Je suis préoccupé»
Durant l'audition, le numéro deux républicain au Sénat, John Barrasso, n’a pas mâché ses mots: «Lors de votre confirmation, vous aviez promis de respecter les normes les plus strictes en matière de vaccins. Depuis, je suis profondément préoccupé.» Médecin de formation, il a martelé: «Les vaccins sont efficaces.» Bill Cassidy et Thom Tillis ont aussitôt apporté leur soutien à ces critiques.
Les sénateurs n’ont pas été rassurés par la suite de l’audition. Interrogé sur le nombre de morts du Covid-19 aux Etats-Unis, Kennedy a répondu: «Je ne sais pas combien de personnes sont mortes», arguant que les données de son propre ministère étaient «trop chaotiques». Les CDC, eux, estiment à 1,2 million les victimes de la pandémie.
Dissensions internes
Kennedy a enfoncé le clou en affirmant que les vaccins à ARN messager «causent de graves dommages, y compris la mort, en particulier chez les jeunes». Une affirmation contredite par les CDC, qui assurent n’avoir trouvé «aucun risque accru de décès» lié à ces vaccins. Un sondage interne a d’ailleurs révélé que, même parmi les électeurs de Trump, une large majorité estime que les vaccins sauvent des vies.
Brett Giroir, ex-secrétaire adjoint à la Santé sous Trump, a également tiré la sonnette d’alarme. Selon lui, la décision de Kennedy de couper 500 millions de dollars de financements fédéraux pour la recherche sur l’ARN messager «va rendre le pays vulnérable» et cause déjà «d’énormes dommages» à la santé publique.
Trump soutient mais nuance
La lutte autour de Kennedy reflète une division plus profonde au sein du Parti républicain sur la question des vaccins. Celle-ci avait donné lieu à une bataille acharnée pour sa nomination. Finalement, tous les sénateurs républicains, à l'exception d'un, avaient voté sa confirmation en février dernier.
Malgré la tempête, Donald Trump continue d’afficher sa confiance. Interrogé jeudi encore sur l'audition houleuse de son ministre, le président américain a esquivé la question et a décrit Kennedy comme une personne «très bienveillante», bien intentionnée et dotée d'une pensée «différente». Mais le lendemain, il a tenu à rappeler son soutien aux vaccins: «Certains vaccins fonctionnent, purement et simplement. Ils ne sont pas controversés et doivent être utilisés.» «Il faut être très prudent lorsqu'on affirme que certaines personnes n'ont pas besoin d'être vaccinées», avait-il ajouté.
Kennedy, boulet ou atout?
Kennedy, lui, se défend de vouloir limiter l’accès aux vaccins, affirmant vouloir juste «davantage de preuves sur leur efficacité». Son ministère prépare un rapport sur les liens supposés entre vaccins et autisme, alors que des décennies de recherche ont conclu qu'il n'y a aucun lien ni aucune corrélation entre les deux. Il envisage également de restreindre encore l’accès aux doses contre le Covid-19. De quoi raviver les tensions dans son camp.
Si certains sénateurs comme Rand Paul ou Ron Johnson continuent de le soutenir, beaucoup redoutent que son scepticisme ne devienne un boulet à l’approche des élections de mi-mandat. Un mémo du cabinet Fabrizio/Ward met en garde: «Les républicains ne doivent pas confondre la méfiance envers le vaccin Covid avec une opposition générale à la vaccination. Ce serait une erreur fatale.»
Selon un autre sondage réalisé en août, par un organisme de recherche en politique de santé, à peine 37% des sondés déclarent accorder un minimum de confiance en matière de vaccins à RFK. Un chiffre qui illustre l’ampleur du problème: alors qu’il se rêve en figure de proue d’une nouvelle politique sanitaire, RFK Jr. apparaît aujourd’hui comme l’acteur le moins crédible du débat public sur les vaccins.