Une stratégie bien huilée
La nouvelle offensive russe en Ukraine piétine… mais Poutine s'en moque

L'offensive estivale de la Russie en Ukraine bat de l'aile. Malgré des attaques aériennes massives et une fatigue claire dans le camp ukrainien, les succès militaires se font attendre. Mais le Kremlin a des raisons de ne pas paniquer.
Publié: 11:58 heures
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Dernière mise à jour: 12:00 heures
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Vladimir Poutine n'a qu'un objectif: la victoire en Ukraine.
Photo: Keystone
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Daniel Kestenholz

Il s’agit du plus important raid aérien russe depuis le début de la guerre: dans la nuit du samedi 28 au dimanche 29 juin, la Russie a attaqué l’Ukraine avec 477 drones et 60 missiles, dont quatre missiles hypersoniques Kinzhal, selon les autorités de Kiev. Une attaque plus impressionnante qu'impactante, qui illustre parfaitement un constat: la grande offensive estivale de Moscou semble marquer le pas.

Les Russes ont beau mener des frappes d'une ampleur record, ils n'avancent pas comme ils le souhaiteraient. Hormis la prise d’un petit mais stratégique gisement de lithium dans la région de Donetsk, à l’est de l’Ukraine, les forces russes n’ont enregistré aucun gain militaire majeur.

L'offensive du Kremlin avait pourtant été minutieusement préparée: l'armée russe avait notamment passé des mois à réorganiser ses troupes et à peaufiner ses tactiques militaires. Après le lancement de l'opération au mois de mai, les forces du Kremlin ont certes revendiqué des avancées rapides dans un premier temps, notamment dans la région de Donestsk. Mais elles se sont heurtées au fil du temps à une résistance accrue du côté ukrainien.

Poutine minimise l'échec

C'est par exemple ce qui s'est produit la semaine dernière dans la région stratégique de Soumy, au nord-est de l’Ukraine: « Les Russes ont été stoppés et la ligne de front a été stabilisée», a déclaré jeudi le commandant en chef ukrainien, Oleksandre Syrsky. Malgré ce camouflet, le président russe Vladimir Poutine a refusé «d'exclure fondamentalement» la possibilité de prendre la ville Soumy.

«Les Russes n'ont vraiment pas la capacité en ce moment de lancer quelque chose qui soit à la fois nouveau et hors-normes», explique Angelica Evans, spécialiste de la Russie à l'Institute for the Study of War, pour le quotidien britannique «The Telegraph». «L'offensive estivale ne sera que la continuation de ce qu'ils ont fait au printemps», poursuit-elle.

Dans le même temps, les pourparlers de paix sont au point mort. Vendredi, lors du principal forum économique de Russie à Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie et l'Ukraine étaient loin de pouvoir s'entendre sur des conditions de paix, les exigences réciproques étant selon lui «absolument contradictoires».

L'usure plutôt que les coups d'éclat

Cette posture prouve une chose: Poutine joue la montre. C'est en tout cas ce qu'estime Alexander Dubovi, chercheur spécialiste de la Russie. «La stratégie de Poutine ne vise pas à obtenir une victoire rapidement», explique-t-il à la «Berliner Zeitung». «C'est une stratégie d'affamement, d'usure, et de bombardements permanents.»

Selon l'expert, la guerre d'agression russe est «entrée dans une phase qui se caractérise moins par des offensives spectaculaires que par l'exercice d'une pression permanente et épuisante au niveau militaire, diplomatique et psychologique». Pour pouvoir tenir à long terme, la Russie recrute chaque mois jusqu’à 40’000 nouveaux soldats, principalement grâce à des incitations financières.

Pour de nombreux jeunes hommes, notamment dans les régions les plus pauvres du pays, l’engagement militaire représente une opportunité rare d'accroitre son revenu ou d’alléger ses dettes. Dans la même logique, les soldats sont de plus en plus considérés comme une ressource consommable par le Kremlin. Autrement dit, les pertes humaines ne dérangent pas, tant que le flux de nouvelles recrues reste assuré.

La guerre, raison d'être de Poutine

«Le Kremlin peut se permettre d’user ses soldats », résume Alexander Dubovi. L'expert est catégorique: tant que l'Occident restera passif, cette stratégie d'usure jouera en faveur de Vladimir Poutine, les ressources humaines et matérielles de l’Ukraine s'épuisant progressivement.

Pour le ministre estonien des Affaires étrangères, Margus Tsahkna, la guerre est carrément devenue la raison d'être de Poutine. «La Russie ne va pas s'arrêter. Poutine est un chef de guerre, et cette bataille est pour lui existentielle: il ne peut tout simplement pas mettre fin à la guerre», a-t-il déclaré au «Kyiv Independent» lors du récent sommet de l'OTAN à La Haye. 

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