Le milliardaire français Pierre-Edouard Stérin traverserait la plus grave tempête de sa carrière. Autrefois encensé pour son mécénat, le fondateur de Smartbox verrait aujourd’hui ses partenaires culturels et économiques prendre leurs distances, gênés par ses engagements politiques à l’extrême droite, rapporte «Le Monde» mercredi 29 octobre.
Dans son enquête, le média français révèle que depuis le printemps, sa holding Otium, pilier de son empire, fait face à un sérieux manque de liquidités. Plusieurs promesses de financement n’auraient pas été tenues et des actifs seraient désormais mis en vente pour éponger une dette estimée entre 200 et 300 millions d’euros. Aux commandes du redressement: François Durvye, son bras droit et proche conseiller du Rassemblement national (RN), qui prépare parallèlement une candidature législative.
«Il est devenu radioactif», confie un partenaire cité par «Le Monde». «Le mélange des genres entre ses engagements politiques et économiques est toxique, ça ne marche pas. Depuis le début de l’année, c’est devenu criant.» Et l’année 2025 aura été celle de la disgrâce pour ce milliardaire qui attisait encore récemment les curiosités du monde économique.
Tout est radioactif
Sa réputation désormais sulfureuse contamine tout ce qu’il touche: des projets culturels aux initiatives caritatives. Même La Nuit du bien commun, qu’il a cofondée et qu’il a quittée, subit les retombées: baisse des dons, départs d’associations, manifestations lors des événements. L'organisation a d'ailleurs organisé une soirée à Genève donnant lieu à de vives oppositions. Dans sa vie privée aussi, Pierre-Edourad Stérin paie le prix de son image: sa maison au bord de mer, récemment rénovée, a été mise en vente après avoir été prise pour cible par des militants d’extrême gauche. Il ne se rend plus à Paris que rarement, par crainte d’être reconnu.
Depuis un peu plus d'un an, la presse multiplie les révélations sur ses ambitions idéologiques: le projet «Périclès» visant à porter au pouvoir une «droite réactionnaire» et anti-immigration, le financement présumé de candidats RN ou encore ses propos controversés sur la «démographie européenne» pour plus de «bébés de souche» baptisés. Autant d’éléments qui ont précipité les ruptures.
Même ses partenaires financiers prennent leurs distances. «Ils n’aiment pas la politique et laissent entendre qu’Otium doit être un investisseur classique», reconnaît un ancien cadre. Et les premiers à être frileux seraient les banques qui rechigneraient à lui allouer des prêts au groupe.
Une influence néfaste?
Si François Durvye, proche de Marine Lepen et Jordan Bardella, assure que ces controverses n’ont encore «rien bloqué», les désengagements se multiplient. Le média Le Crayon, l’Université catholique de l’Ouest ou encore plusieurs municipalités ont coupé les ponts. A Paris, la mairie a suspendu l’attribution de concessions à deux restaurants liés au Fonds du bien commun, avant de les valider une fois les liens rompus. En Bretagne, un banquet du Canon français, marque gastronomique rachetée par Pierre-Edouard Stérin, a été annulé sous la pression militante.
Certains de ses proches imputent cette chute à l’influence de François Durvye, figure montante du RN. Il l'aurait incité à mettre sa fortune au service de l'extrême droite. Mais «Le Monde» rappelle que Pierre-Edouard Stérin finançait déjà des campagnes et cherchait «le candidat idéal» pour les droites avant même de le rencontrer.
Dans son propre camp, l’image du mécène s’effrite. Ses équipes sont accusées d’arrogance, ses méthodes jugées intrusives. Et dans les cercles de la droite conservatrice, beaucoup reconnaissent en privé que son nom, autrefois convoité, est devenu synonyme de risque.
Pierre-Edouard Stérin rêvait d’influence et de grandeur. Il récolte aujourd’hui le revers de la médaille avec de la méfiance et de la solitude. A force de vouloir peser sur la société, le mécène s’est transformé en boulet.