La situation «demeure très difficile pour les habitants de l'île, en particulier dans le Grand Nouméa», a relevé la ministre déléguée aux territoires d'Outre-mer français, Marie Guévenoux.
L'archipel est secoué par des émeutes depuis le 13 mai, sur fond d'adoption à Paris d'une réforme prévoyant l'élargissement du corps électoral local pour les scrutins provinciaux. Les partisans de l'indépendance jugent que ce «dégel» risque de «minoriser» le peuple autochtone kanak, qui représente plus de 41% de la population.
«Je peux aller à tout moment au référendum», a fait valoir le président Emmanuel Macron au cours d'un entretien au quotidien français Le Parisien.
Il a toutefois rappelé sa volonté de voir les élus calédoniens s'entendre sur «un accord global qui viendrait enrichir le texte déjà voté au Parlement». Le président Macron a pour cela donné jusqu'à la fin juin aux deux camps.
Jeudi, à l'occasion d'une visite éclair à Nouméa, il s'était engagé à ce que la réforme «ne passe pas en force». S'il poursuit son parcours parlementaire, le texte devra être adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès pour être validé.
Les indépendantistes réclament toujours le retrait de la réforme, après les pires violences qu'ait connu l'archipel depuis les années 1980, quand des affrontements entre partisans et opposants à l'indépendance avaient fait près de 80 morts et craindre la plongée de la Nouvelle-Calédonie dans la guerre civile.
«J'assume un geste d'apaisement et d'ouverture mais je ne prendrai jamais la décision de report ou de suspension sous la pression de la violence», a cependant redit Emmanuel Macron au journal le Parisien.
Evacuations de Français
Sur le terrain, de nombreux barrages sont toujours en place malgré les efforts de plus de 2700 policiers et gendarmes qui les démontent dans la nuit.
A la Vallée-du-Tir, un quartier défavorisé de Nouméa, un tronc d'arbre encore fumant et de nouvelles carcasses de voitures en travers de la route témoignent des heurts de la nuit.
A Koutio, dans la ville de Dumbéa, au nord de la «capitale» calédonienne, une banque a brûlé dans la nuit, a appris un journaliste de l'AFP.
Un semblant de vie quotidienne renait malgré tout par endroits et l'étau se desserre progressivement autour des personnes bloquées depuis la fermeture aux vols commerciaux de l'aéroport international de Nouméa le 14 mai et au moins jusqu'à mardi.
De premiers Français, après des Australiens, des Néo-Zélandais et des citoyens de Vanuatu, ont pu quitter l'archipel à bord d'appareils militaires samedi vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Vendredi, un homme de 48 ans dont l'identité n'a pas été communiquée a été tué par un policier à Dumbéa. Il s'agit de la septième victime depuis le début des émeutes.
L'agent auteur du tir, qui «a été pris à partie par une vingtaine d'individus dans le cadre d'un barrage» alors qu'il était «en civil», selon Mme Guévenoux, a été placé en garde à vue.
«Il n'y a pas d'opérations de police qui ont mené à la mort de personnes», a souligné la responsable alors que ce décès a suscité des craintes d'embrasement sur place.
La levée de l'état d'urgence en vigueur depuis le 16 mai n'est pas pour tout de suite, a-t-elle ajouté, estimant que cela ne pourrait être fait «qu'à la condition que les barrages soient levés et le calme revenu».
Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS, principale composante indépendantiste), a reconnu samedi qu'"aujourd'hui, l'objectif principal du mouvemment indépendantiste est d'apaiser les tensions et de trouver des solutions durables pour notre pays».
«En ce sens, le FLNKS renouvelle son appel au calme et demande également à desserrer l'étau sur les principaux axes de circulation», a ajouté le mouvement dans un communiqué.
Spectre des années 1980
La Nouvelle-Calédonie est un ensemble d'îles françaises depuis le XIXe siècle, niché dans le Pacifique Sud.
Son économie repose essentiellement sur le nickel, dont elle concentre 20 à 30% des réserves mondiales.
De quoi faire craindre des «ingérences» de la Chine, selon le sénateur français Claude Malhuret, qui a souligné auprès de l'AFP que Pékin avait «besoin de nickel pour produire ses batteries».
Le secteur, qui emploie directement ou indirectement 20 à 25% des salariés calédoniens, est gravement mis à mal par les émeutes.