Réchauffement climatique
Le moustique tigre prolifère en Europe, menacée par la dengue et le chikungunya

Le risque d'épidémies de dengue et de chikungunya en Europe pourrait être multiplié par cinq d'ici 2060. L'étude souligne l'importance de la température et des déplacements humains dans la propagation de ces maladies, appelant à une meilleure surveillance et protection.
Publié: 04:21 heures
L'extension vers le nord de la zone de présence du moustique tigre est favorisée par le réchauffement climatique.
Photo: Alamy Stock Photo
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AFP Agence France-Presse

La dengue et le chikungunya pourraient devenir endémiques en Europe en raison du réchauffement climatique qui favorise la propagation du moustique tigre, vecteur de ces maladies, comme l'urbanisation et les déplacements, alerte une étude publiée dans la revue Lancet Planetary Health jeudi.

Actuellement, quatre milliards de personnes dans 129 pays sont exposées au risque potentiel de contracter la dengue ou le chikungunya, deux maladies surtout présentes jusqu'alors dans les pays tropicaux et subtropicaux et dont les principaux vecteurs sont Aedes aegypti, le moustique de la fièvre jaune, et Aedes albopictus, le moustique tigre asiatique.

Réchauffement climatique en cause

L'extension vers le nord de la zone de présence du moustique tigre est favorisée par le réchauffement climatique: plus il fait chaud, plus son cycle de développement se raccourcit, tandis que la vitesse de multiplication du virus dans l'insecte augmente sous l'effet de la température.

L'étude publiée jeudi analyse, pour la première fois, les liens entre le risque d'épidémies de dengue et de chikungunya en Europe et de nombreux facteurs, tels que le climat, l'environnement, les conditions de vie socio-économiques, la démographie ainsi que les données entomologiques, sur 35 ans.

Financé par le programme européen Horizon pour la recherche et l'innovation, ce travail exploite des données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et de l'Organisation mondiale de la Santé et les publications sur la présence du moustique tigre en Europe, de son arrivée en 1990 jusqu'en 2024.

En augmentation depuis 2010

Si le premier foyer de maladie a mis plus de 25 ans à apparaître en Europe, la fréquence et l'ampleur des épidémies de dengue et de chikungunya n'ont fait qu'augmenter depuis 2010.

Ainsi, sur la seule année 2024, 304 cas de dengue ont été répertoriés, soit davantage que les 275 cas recensés sur l'ensemble des 15 années précédentes. Et des foyers autochtones ont été identifiés dans quatre pays: l'Italie, la Croatie, la France et l'Espagne. La quasi totalité des cas (95%) sont survenus entre juillet et septembre, et les trois quarts étaient localisés dans des zones urbaines ou semi-urbaines, le quart restant dans des zones rurales.

Désormais, dans les zones où le moustique tigre s'est établi, il peut ne s'écouler qu'une année entre deux flambées de dengue ou de chikungunya, «probablement en raison de l'évolution des conditions climatiques», et cette récurrence est «renforcée par la fréquence des déplacements humains», montrent ces travaux.

Sous-détection dans les zones plus reculées

L'étude note que les zones où les dépenses de santé par habitant sont plus élevées sont aussi celles où un risque accru d'épidémie a été relevé, suggérant que les cas sont mieux détectés là où la surveillance a été renforcée et a contrario, une sous-détection dans les zones moins prospères.

Elle montre surtout que chaque hausse de la température estivale d'un degré augmente le risque d'épidémie. Ainsi, les étés aux températures très élevées l'«amplifient considérablement», affirment les auteurs.

Ces tendances suggèrent que «la température reste un facteur important des risques d'épidémies futures, en particulier dans des conditions de scénarios climatiques extrêmes», et que «dans toute l'UE, ces maladies tendent à devenir endémiques».

Limites de l'étude

Selon les projections de l'étude, dans les années 2060, le risque d'épidémie pourrait être cinq fois plus élevé que sur la période 1990-2024. Cela plaide pour la nécessité de mieux protéger les populations contre ces maladies, notamment par la surveillance des cas importés, et d'établir des systèmes d'alerte.

Cette étude a certaines limites, avertissent ses auteurs. D'une part, la circulation de ces maladies transmises par les moustiques dans les zones où elles ne sont pas endémiques pourrait être sous-estimée, car les cas, souvent asymptomatiques, n'y sont pas enregistrés.

En outre, la surveillance varie d'une région ou d'un pays à l'autre, ce qui pourrait conduire à surestimer la prévalence de ces maladies par exemple en France, où ce suivi est renforcé comparé à d'autres pays.

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