Un cinquième mandat, une troisième décennie en tant qu'homme le plus puissant de Russie: tel est l'avenir de Vladimir Poutine à partir de dimanche. Personne n'a douté de l'issue des élections présidentielles russes qui ont eu lieu ce week-end. On peut désormais affirmer, à juste titre, que sa carrière politique a atteint le stade de «président à vie».
Sa nouvelle nomination révèle toutefois un fait inquiétant pour la future stabilité politique de la Russie: le président et son entourage n'ont rien prévu pour une ère post-Poutine. En 2020, les électeurs russes ont voté en faveur d'amendements constitutionnels qui permettraient à Poutine de rester au pouvoir jusqu'en 2036. Aujourd'hui, personne ne sait ce qui se passera ensuite.
Poutine a le «soutien absolu» du peuple
Le Kremlin a clairement indiqué qu'il ne voyait pas quels autres leaders pourraient gagner le cœur des Russes. «Si nous partons du principe que le président est candidat, il est évident qu'au stade actuel, il ne peut y avoir de véritable compétition pour la présidence», a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, ajoutant que Poutine «bénéficie du soutien absolu du peuple».
Certains observateurs du Kremlin, comme le journaliste de CNN Nathan Hodge, constatent que la réélection de Poutine met en évidence un problème. Le système mis en place sous son règne au cours des deux dernières décennies est fragile et susceptible de subir un grand choc s'il venait à disparaitre. Pour celui qui est aujourd'hui le chef d'Etat russe resté le plus longtemps en place depuis le dictateur soviétique Joseph Staline (1878-1953), ce n'est pas une question préoccupante, mais cela devrait l'être...
Le chef du Kremlin s'est dangereusement rapproché de la perte du pouvoir
Ces dernières années, Poutine s'est dangereusement rapproché d'une potentielle perte de pouvoir. En juin, il a été confronté à la plus grande menace pour son pouvoir lorsque son ancien allié, Evguéni Prigojine, a fomenté une rébellion armée afin de marcher sur Moscou et renverser le commandement militaire russe. A cela s'ajoutent des rumeurs sur la mauvaise santé du président. Que se passerait-t-il donc si Poutine venait à disparaître?
Il est tentant de penser que la Russie se débarrasserait de ses chaînes dictatoriales, normaliserait ses relations avec l'Occident et s'engagerait sur la voie de la démocratie. Une telle pensée est pourtant erronée. L'histoire montre que les perspectives pour la Russie sont peu réjouissantes.
La garantie la plus sûre que la Russie n'entreprendra pas de réformes démocratiques réside dans le pouvoir des services de sécurité et de renseignement. Dans les moments cruciaux de l'histoire soviétique et post-soviétique, au milieu des coups d'État, des réformes et des révolutions, le KGB et ses successeurs ont toujours fait office de faiseurs de roi. Leur pouvoir est resté constant. Il y a peu de raisons de penser qu'ils ne le feront pas à nouveau.
Les autocrates succèdent aux autocrates
Le magazine «Foreign Policy» avait déjà réalisé en 2015 une analyse sur 79 dictateurs morts en fonction entre 1946 et 2014. Celle-ci démontre également que la mort d'un dictateur n'inaugure presque jamais la démocratie. De même, le régime n'est généralement pas renversé. Au lieu de cela, dans la grande majorité des cas, estimée à 92%, le régime continue d'exister même après la mort de l'autocrate.
La mort d'Hugo Chávez au Venezuela en 2013, de Meles Zenawi en Éthiopie en 2012 et de Kim Jong-Il en Corée du Nord en 2011 illustrent cette tendance. En comparaison, les coups d'Etat, les élections ou la limitation des mandats qui mènent à l'effondrement du régime dictatorial dans la moitié des cas, la mort d'un dictateur est remarquablement sans conséquence.
Le Washington Post a découvert que dans 87% des cas où un chef d'Etat est mort en fonction, le régime est resté intact l'année suivante. Et dans 76% des cas, il était toujours au pouvoir cinq ans plus tard. Pour la Russie, cela signifie donc que même sans Poutine, les choses continueront probablement comme avant.