Près de 70 Alaouites tués
Des exécutions choquantes secouent la Syrie

Des violences sans précédent secouent le nord-ouest de la Syrie. Une ONG affirme que 69 Alaouites ont été exécutés par les forces de sécurité, tandis que les autorités évoquent des «exactions isolées».
Publié: 07.03.2025 à 19:59 heures
Près de 70 Alaouites auraient été exécutés en Syrie. (image d'illustration)
Photo: Getty Images
sda-logo.jpeg
ATS Agence télégraphique suisse

Une ONG a affirmé que les forces de sécurité syriennes avaient «exécuté» vendredi 69 membres de la minorité alaouite, lors d'une vaste opération dans le nord-ouest de la Syrie contre des combattants fidèles à l'ex-président Bachar al-Assad. Les autorités évoquent des «exactions isolées».

Après des affrontements depuis plusieurs jours dans la région de Lattaquié et Tartous, des bastions de la minorité alaouite dont est issue le président déchu, dans le nord-ouest du pays, la violence est montée d'un cran lorsque des fidèles d' Assad ont mené une attaque sanglante contre un convoi des forces de sécurité dans la ville côtière de Jablé dans la nuit de jeudi à vendredi, selon les autorités.

Près de 150 morts

Elles ont envoyé vendredi des renforts et lancé d'importantes opérations de ratissage dans la région, notamment à Qardaha, berceau du clan Assad, dans un contexte de violences sans précédent qui ont fait au total 147 morts depuis jeudi, selon un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Un couvre-feu a ensuite été décrété jusqu'à samedi dans les régions de Lattaquié et Tartous, parallèlement aux opérations de ratissage. Le rétablissement de la sécurité dans le pays profondément divisé est le défi le plus urgent pour le nouveau pouvoir, issu d'une coalition de groupes rebelles islamistes qui a renversé Bachar al-Assad le 8 décembre après plus de 13 ans de guerre civile.

«Rien de rassurant»

A Jablé, près de Lattaquié, un habitant a fait état de «batailles urbaines». «Les gens restent enfermés chez eux. Tout le monde a peur. L'arrivée des véhicules militaires et des convois venus de partout n'a rien de rassurant» a déclaré cet homme, prénommé Ali, joint par l'AFP depuis Damas.

L'OSDH a affirmé que 69 Alaouites avaient été «exécutés» vendredi par les forces de sécurité dans deux localités proches de Lattaquié, al-Shir et al-Mukhtariya. L'ONG et des militants ont publié des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d'une maison, et des femmes pleurant à proximité.

Dans une autre vidéo, des hommes en tenue militaire ordonnent à trois personnes de ramper l'une derrière l'autre, avant de leur tirer dessus à bout portant. Une troisième séquence montre un homme armé tirant à plusieurs reprises à bout portant sur un jeune homme en tenue civile à l'entrée d'un bâtiment, avant de l'abattre. L'AFP n'a pas pu vérifier ces vidéos de manière indépendante.

De son côté, une source sécuritaire citée par l'agence officielle syrienne Sana a fait état d'"exactions isolées» commises par des «foules (...) non organisées» en représailles à «l'assassinat de plusieurs membres des forces de police et de sécurité par les hommes fidèles à l'ancien régime». «Nous oeuvrons à mettre un terme à ces exactions qui ne représentent pas l'ensemble du peuple syrien,», a ajouté la source du ministère de l'Intérieur.

«Bain de sang»

Aron Lund, du centre de réflexion Century International dit s'inquiéter d'une situation qu'il assimile à une «bombe à retardement». «Les deux camps ont l'impression d'être pris pour cible, les deux camps ont subi d'horribles exactions de la part de l'autre, et les deux camps sont armés», déclare-t-il à l'AFP.

L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, s'est dit «profondément alarmé» par les affrontements, appelant toutes les parties à «la retenue». Moscou, où Bachar al-Assad a fui, a appelé les dirigeants syriens à la «désescalade» et à «tout faire pour stopper le bain de sang».

«Groupes hors-la-loi»

L'Arabie saoudite a condamné des violences commises par des «groupes hors-la-loi» contre les forces de sécurité. La Turquie et la Jordanie, frontalières de la Syrie ont également condamné ces violences.

Les forces syriennes comptent dans leurs rangs de nombreux anciens combattants de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), le groupe islamiste fer de lance de la coalition qui a renversé Assad. Des images diffusées par Sana ont montré vendredi des membres des nouvelles forces de sécurité entrant en pickup dans Baniyas et Tartous.

Sur d'autres images, prises par l'AFP à Al-Bab (nord), des combattants en treillis de l'Armée nationale syrienne, une faction pro-turque, se préparent à gagner Lattaquié en renfort aux nouvelles autorités.

«Centaines d'assassinats»

Depuis jeudi, les combats ont fait 78 morts, dont 37 membres des forces de sécurité, 34 combattants armés et sept civils, selon l'OSDH. A Jablé, les forces de sécurité ont capturé jeudi Ibrahim Houweïja, ancien chef des services de renseignement de l'armée de l'air, selon Sana.

Il est «accusé d'avoir commis des centaines d'assassinats» à l'époque d'Hafez al-Assad, père de Bachar al-Assad. Jeudi soir, des habitants de la région d'Idleb, ancien bastion rebelle dans le nord-ouest, ont manifesté contre les partisans d'Assad.

«Il n'y a pas de pardon ou de réconciliation avec les restes du régime, car ils n'ont pas cessé de nous tuer de sang-froid», a lancé l'un d'eux, Talal Homsi.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la