Sur le champ de bataille, la situation reste globalement équilibrée entre l'Ukraine et la Russe. Mais à la table des négociations, un vainqueur se dégage: Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien a atterri mardi 13 mai à Ankara, la capitale turque, où il a été accueilli par le président turc Recep Tayyip Erdogan, en marge de négociations de paix très attendues entre l'Ukraine et la Russie à Istanbul.
Vladimir Poutine est lui resté à Moscou, se contentant d’envoyer quelques représentants de second rang à Istanbul. Par sa posture, le président ukrainien a exposé le chef du Kremlin, le forçant à révéler son vrai visage: celui d'un homme qui ne cherche absolument pas la paix, et dont les priorités sont ailleurs.
Car c'est bien Poutine qui a d'abord suggéré des négociations «directes et sans conditions (...) à partir de jeudi» en Turquie. Mais cette proposition était en fait une réponse à l’appel de Zelensky qui, quelques jours plus tôt, avait réclamé un cessez-le-feu de 30 jours, à compter du lundi 12 mai. L'initiative du président russe a été accueillie avec enthousiasme par le président américain Donald Trump, qui s'est dit prêt à y prendre part.
A la surprise générale, Zelensky a lui aussi accepté la proposition du chef du Kremlin en se fendant d'une déclaration appelée à faire date: «J’attendrai personnellement Poutine en Turquie, jeudi.»
La Russie face à un dilemme
Ce faisant, le président ukrainien a incontestablement mis le chef du Kremlin dans l'embarras. Et pour cause: Poutine cherche à la fois à donner l’image d’un dirigeant ouvert à la paix, tout en refusant catégoriquement de discuter avec celui qu’il qualifie de «président nazi illégitime». «C’était une manœuvre habile de Zelensky, déclare à Blick Ulrich Schmid, spécialiste des Etats-Unis à l’Université de Saint-Gall. Poutine avait misé sur le fait que Zelensky refuserait catégoriquement une telle rencontre.»
Que signifie concrètement l’absence de Poutine? «Il ne veut pas d’une paix qui l’obligerait à faire des concessions, explique Ulrich Schmid. Son objectif est une paix dictée par Moscou, qui reviendrait à une capitulation de l’Ukraine. En même temps, il entretient l’illusion d’être prêt à négocier, afin de présenter l'Ukraine comme la seule responsable de la guerre.»
Poutine craint pour sa crédibilité
Selon Ulrich Schmid, le président russe demeure persuadé qu'il remporera la guerre à l'usure. «Poutine veut cette guerre. Il a lié son avenir politique à ce conflit et il fera tout pour atteindre ses objectifs minimaux», estime l'expert. De son côté, Zelensky peut se targuer d'avoir mis en lumière les véritables intentions de Poutine. Cette démarche pourrait lui rapporter des points précieux sur la scène internationale, notamment auprès de Donald Trump.
Le président américain aurait fini par admettre que son «ami» du Kremlin n’est pas aussi fiable qu'il le pensait. Si Trump reste cohérent, il pourrait désormais durcir le ton face à Moscou et mettre en œuvre les sanctions qu’il s'était contenté jusque-là de brandir comme menace.