«Les abus dans nos unités sont pires que la captivité»
Les soldats de Poutine fuient la brutalité et la torture infligée par leurs commandants

Dix déserteurs russes se sont rendus volontairement aux Ukrainiens la semaine dernière. Un cas qui n'est pas isolé. Les méthodes de torture des officiers russes, inspirées des codes de la prison, sèment la terreur dans leurs propres rangs.
Publié: 04.06.2025 à 17:01 heures
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Le service militaire en Russie est loin de faire rêver, contrairement à ce que veut montrer la propagande russe.
Photo: keystone-sda.ch
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Samuel Schumacher

La semaine prochaine, la Russie devrait atteindre le million de morts dans ses rangs militaires, selon des statistiques de prévisibilité des forces armées ukrainiennes. Et les soldats qui sont encore en vie n'ont pas de quoi se réjouir. 

Une vidéo publiée en début de semaine par l'armée ukrainienne montre dix combattants russes qui se sont rendus volontairement «parce que les abus» dans leurs unités «sont pires que la captivité». Le cas des déserteurs révèle les parts d'ombre autour des méthodes brutales qui sévissent dans les rangs russes.

Les nouvelles photos et vidéos de torture qui circulent chaque jour, principalement sur Telegram, montrent à quel point les commandants russes sont sans pitié avec leurs propres hommes. Dans cet article, Blick se réfère à des cas qui ont été examinés par le groupe de réflexion polonais Centre for Eastern Studies et à la plateforme russe indépendante Astra.

  • Une vidéo de mai 2025 montre comment des soldats russes enterrent un de leur camarade jusqu'au cou, pour avoir désobéi à un ordre. On ne sait pas ce qui lui est arrivé par la suite.
  • Une autre vidéo du même mois montre un officier attachant deux soldats à un réverbère. Ils se font passer à tabac, avant d'être jetés en pâture à des drones ukrainiens en pleine zone de front. Des prisonniers de guerre russes ont également confirmé que des sanctions similaires étaient appliquées dans d'autres cas d'insubordination.
  • Une troisième vidéo, datée de la semaine dernière, montre un soldat russe attaché par les pieds à un pick-up. Il est traîné à grande vitesse sur un chemin de terre pendant environ 90 secondes, puis laissé sur place, blessé.
  • Une vidéo, dont la date n'est pas établie, montre les conditions atroces dans un cachot du village de Zaitsevo, dans la région ukrainienne occupée de Louhansk. On voit des réfractaires russes détenus dans des conditions catastrophiques, sans lumière du jour.

Un système brutal

Des supérieurs sadiques, il y en a dans toutes les armées du monde – et l'Ukraine ne fait pas exception. Dans la 211e brigade, des soldats ont été enfermés nus dans des cages et l'un d'entre eux a même été attaché à une croix en bois, comme l'a révélé l'«Ukrainska Pravda» fin 2024.

Dans le cas de l'armée russe, les violences commises font partie d'un système bien rodé: les humiliations sadiques font partie du programme de formation des recrues russes, qui sont environ 260'000 chaque année. Les Russes ont même un terme pour désigner l'humiliation systématique par les coups, le froid ou la position assise forcée sur des bouteilles dressées, pratiquée au sein de l'armée en Tchétchénie: Dedovchtchina (que l'on peut traduire par «la loi des grands-pères"). L'objectif: briser l'esprit rebelle et renforcer le contrôle sur l'unité. 

Jakub Ber, expert au Centre for Eastern Studies (Centre d'études orientales) polonais, déclare que les violences et humiliations au sein de l'armée russe se sont nettement intensifiées depuis le début de la guerre en Ukraine. De nombreux commandants – toujours actifs aujourd'hui – auraient participé à des crimes de guerre en Tchétchénie alors qu'ils étaient soldats dans les années 1990 et 2000. Avec l'intégration des mercenaires de Wagner dans les forces armées officielles, les tactiques de déshumanisation russes seraient désormais largement répandues.

La détresse russe, une opportunité pour l'Ukraine

A noter que les quelque 50'000 délinquants russes qui se sont portés volontaires pour rejoindre les forces armées en échange d'une remise de peine se verraient inculquer la discipline et l'ordre via des méthodes de violence encore plus sévères. Dans les prisons russes, les coups et viols sont monnaie courante.

La plateforme d'investigation «The Insider« révèle même l'existence d'unités spéciales de l'armée russe chargées de traquer les soldats récalcitrants ou insoumis, afin d'en faire des exemples destinés à dissuader toute forme de désobéissance.

Une situation qui profite à l'Ukraine. «Rendez-vous, vous aussi, et sauvez votre vie», déclare un Ukrainien cagoulé à la fin d'une vidéo de propagande avec des déserteurs russes. L'Ukraine a même mis en place une hotline pour les combattants russes qui souhaitent se rendre volontairement. Le numéro est largement diffusé sur Telegram, mais aussi sur des flyers. D'après des sources, la hotline fonctionnerait à plein régime.

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