Un expert décrypte
La dissolution du PKK est un «succès historique» pour Erdogan

Après des décennies de lutte contre l'Etat turc, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé sa dissolution. Quelles sont les conséquences pour le sud-est de la Turquie? Et pour le président turc? Un expert nous explique la situation. Interview.
Publié: 13.05.2025 à 19:57 heures
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Entre-temps, le parti AKP d'Erdogan a réagi avec réserve à l'annonce du PKK.
Photo: Anadolu via Getty Images
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Daniel Macher

Après un conflit sanglant de plusieurs décennies contre l'Etat turc, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé sa dissolution. «Il a été décidé de dissoudre la structure organisationnelle du PKK et de mettre fin à la méthode de lutte armée», rapporte l'agence de presse ANF, proche du parti.

Cette dissolution aurait été ordonnée par le fondateur de l'organisation, Abdullah Öcalan, détenu sur l'île-prison turque d'Imrali. Le PKK est considéré comme une organisation terroriste en Turquie, dans l'UE, aux Etats-Unis et en Suisse.

Réaction à l'appel d'Öcalan

Le PKK a été fondé en Turquie en 1978 par Abdullah Öcalan en réaction à l'oppression politique, sociale et culturelle des Kurdes dans le pays. Depuis les années 1980, le parti menait une lutte armée et organisait des attentats en réclamant la création d'un Etat kurde et un territoire autonome dans le sud-est de la Turquie.

La dissolution du parti n'est pas surprenante pour Andreas Böhm, professeur à l'université de Saint-Gall. «Cette décision prévisible avait été annoncée en février et a simplement été mise en œuvre», explique le géopolitologue. «Le PKK était affaibli et sa branche militaire largement en retrait en Irak.»

La dissolution du PKK fait aussi suite à un appel d'Abdullah Öcalan, emprisonné en Turquie depuis 1999. En février, il avait demandé à l'organisation de déposer les armes et de se dissoudre. De plus, le parti avait déjà renoncé à la création d'un Etat indépendant, ajoute le géopolitologue.

«L'objectif n'était plus de créer un Etat séparé pour les Kurdes, mais plutôt de les intégrer dans l'Etat turc», explique Andreas Böhm. «Le gouvernement a aussi fait des efforts. Fin 2024, il a présenté un programme de développement d'un montant de 14 milliards de dollars destiné aux régions en difficulté économique du sud-est de la Turquie, c'est-à-dire là où la population kurde est la plus nombreuse.»

Qu'est-ce que cela signifie pour Erdogan?

Le parti AKP du président Recep Tayyip Erdogan a jusqu'à présent réagi à cette décision avec un optimisme prudent. «Si la nouvelle décision du PKK est pleinement appliquée et que toutes les sous-organisations du PKK et les structures illégales sont fermées, cela représentera un tournant important», a déclaré le porte-parole du parti Ömer Celik, cité par l'agence de presse Anadolu.

L'expert Andreas Böhm parle d'un succès politique historique pour le président turc. «Finalement, cela met fin à un conflit de plus de 40 ans qui a fait plus de 40'000 morts. Il va essayer de l'utiliser pour obtenir une modification de la Constitution, car selon la loi en vigueur, il devrait quitter le pouvoir en 2028.» 

Conséquences régionales de la dissolution

La fin du PKK devrait avoir des répercussions au-delà de la Turquie. Le PKK a son quartier général dans les montagnes irakiennes du Kandil et est également présent en Syrie et en Europe. On ne sait pas encore si tous les sous-groupes suivront cette décision.

La Turquie avait par le passé exigé que la dissolution englobe également la milice kurde syrienne YPG. Ankara la considère comme une branche du PKK. Mais les YPG ont récemment convenu avec le nouveau gouvernement syrien de s'intégrer dans les forces armées du pays, une étape qui pourrait annuler la demande d'Ankara.

Andreas Böhm considère toutefois la décision du PKK comme une «pièce du puzzle dans un processus de réorganisation régional». Il y a quelques semaines, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et comptant environ 60'000 combattants, dirigées par un fils d'Abdullah Öcalan, ont déclaré dans le nord-est de la Syrie vouloir s'intégrer dans le nouvel Etat. Un signal important pour le processus de formation de l'Etat syrien.

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