Le clash avec Elon Musk en est la preuve
Les rois de la Silicon Valley pensaient amadouer Trump, c'est un échec cuisant

La fin de la «bromance» entre Elon Musk et Donald Trump est bien plus qu'un conflit relationnel, c'est le parfait exemple de la relation toxique entre la politique américaine et l'élite économique du pays.
Publié: 16:23 heures
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Le clash entre Musk/Trump illustre parfaitement la nature des liens entre le pouvoir politique américain et son élite économique.
Photo: Getty Images
Dimitri Faravel
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Dimitri Faravel et Lino Schaeren

On se serait cru à la fin d'un mauvais buddy movie hollywoodien: Elon Musk et Donald Trump, deux associés qui s'étaient promis de se battre ensemble jusqu'à la mort, se déchirent soudainement. On en verserait presque une larme.

Désormais, les deux coqs règlent leurs comptes sur leurs plateformes respectives, X et Truth Social, se couvrant mutuellement d'insultes. Leur guéguerre serait un excellent divertissement, si l'on oublie bien sûr que les protagonistes sont respectivement l'homme le plus riche et l'homme le plus puissant du monde.

Le coupable? «Big Beautiful Bill»

La dispute a connu une escalade fulgurante: Elon Musk a exigé la destitution de Trump, a annoncé la création de son propre parti politique et a même affirmé que le nom de Trump se trouvait dans les dossiers de Jeffrey Epstein, tenus sous clé. Samedi, Musk a cependant supprimé ces posts contenant des allégations d'abus.

De son côté, Donald Trump a mis en doute la santé mentale de Musk, l'a traité de «fou», l'a accusé, selon le «New York Times», d'abuser de différentes drogues et a même menacé de démanteler ses entreprises SpaceX et Tesla.

La bromance initiale s'est apparemment brisée à cause des critiques de Musk contre le «Big Beautiful Bill» de Trump, ce gigantesque paquet fiscal et de dépenses actuellement en suspens au Sénat. Le président s'est alors senti trahi par les critiques de son fidèle «buddy».

Mais de nombreux observateurs avaient prédit cette querelle depuis longtemps: lorsque deux egos aussi surdimensionnés se rencontrent, il faut s'attendre à un crash de grande ampleur.

Quand les colosses font la révérence

La brouille entre Trump et Musk peut sembler unique en son genre, mais elle illustre en réalité la fragilité de l'alliance entre l'élite politique et l'élite technologique aux Etats-Unis. En effet, alors que la Silicon Valley exige dérégulation et innovation, le camp Trump mise au contraire sur le protectionnisme et le cloisonnement national.

Les géants de la technologie comme Meta, Google ou Amazon l'ont clairement ressenti ces derniers mois. Dans un premier temps, ils ont tenté d'amadouer Trump par des flatteries. Souvenons-nous de la façon dont Mark Zuckerberg (Meta), Tim Cook (Apple), Sundar Pichai ( Google), Jeff Bezos (Amazon), Elon Musk et Sam Altman (OpenAI) se sont sagement assis au premier rang lors de l'investiture de Trump, juste à côté de ses futurs ministres.

Ces patrons milliardaires avaient auparavant fait don d'un million de dollars chacun pour la cérémonie et même effectué des visites d'inauguration dans la résidence privée de Trump à Mar-a-Lago. Une soumission en bonne et due forme, tout en sourire.

Une récompense à la hauteur de leur soumission?

Sur le plan juridique, Trump est parvenu à ses fins: Mark Zuckerberg a payé 25 millions de dollars en janvier parce que les comptes Facebook et Instagram de Trump avaient été bloqués en 2021. Même Musk, qui avait soutenu la campagne électorale avec environ 300 millions de dollars, n'a pas été épargné: X a dû versé 10 millions à Trump pour le même «délit».

Zuckerberg s'est également adapté des nouveaux rapports de force en supprimant notamment le fact-checking de Facebook aux Etats-Unis. Amazon et d'autres groupes ont aussi dû montrer patte blanche en adaptant leur contenu, et en retirant au passage tout ce qui selon Donald Trump s'apparente au «wokisme».

Et qu'est-ce que toute cette obéissance leur a apporté? Rien du tout. Trump s'attaque toujours avec acharnement aux géants de la Silicon Valley. En même temps, il fallait s'y attendre: dès son premier mandat, la résistance contre les géants de la technologie s'est accrue à Washington, par crainte qu'ils ne deviennent trop puissants.

Apple doit maintenant faire dans le local

De son côté, le groupe Apple doit faire face à l'exigence de fabriquer entièrement ses iPhones aux Etats-Unis. En effet, début juin, Trump a menacé d'imposer des droits de douane de 25% sur les iPhones fabriqués de l'autre côté de la frontière.

Apple tente de contre-attaquer en transférant la production de la Chine vers l'Inde. Mais la Maison Blanche reste ferme. Selon les estimations d'analystes économiques, si toute la production était transférée aux Etats-Unis, les iPhones devraient coûter à l'avenir environ 3500 dollars au lieu de 1000.

Après quatre mois de Trump 2.0, Cook, Zuckerberg, Bezos et consorts commencent à comprendre que les prochaines années seront difficiles. Leur offensive de charme n'a rien apporté à leur caste, et ceux qui, naïvement, ont cru pouvoir placer leurs pions doivent maintenant se faire une raison: Donald Trump ne joue que selon ses propres règles.

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