Le maire pro-européen de Varsovie Rafal Trzaskowski et l'historien nationaliste Karol Nawrocki s'affronteront au second tour de l'élection présidentielle en Pologne le 1er juin, après être arrivés au coude-à-coude au premier tour dimanche, selon un sondage.
Rafal Trzaskowski est crédité de 31,2% des voix, contre 29,7% pour Karol Nawrocki, le candidat soutenu par le parti Droit et Justice (PiS, conservateur) du président sortant Andrzej Duda, d'après ce sondage Ipsos pour la télévision publique TVP portant sur 90% des votes.Scrutin crucial pour Donald Tusk
Le scrutin est décisif pour l'avenir du gouvernement pro-européen en place, ainsi que de ceux du droit à l'avortement et des droits des minorités sexuelles, à un moment délicat pour l'Europe en raison de la poursuite de la guerre en Ukraine, de la montée en puissance des partis d'extrême droite et des liens tendus avec Washington.
Pouvoirs limités, mais impactant
«Ce résultat montre à quel point nous devons être forts, à quel point nous devons être déterminés», a déclaré Rafal Trzaskowski à ses partisans. Ces derniers se s'étaient rassemblés dans un stade de la ville historique de Sandomierz, dans l'est de la Pologne.
Le candidat nationaliste a quant à lui remercié ses électeurs, disant que sa victoire au deuxième tour empêchera la coalition en place de «monopoliser» l'ensemble du pouvoir en Pologne. «Je n'accepterai pas que de nouveaux traités de l'Union européenne soient signés et que la Pologne perde sa souveraineté dans de nombreux secteurs de la vie sociale», a-t-il assuré, tout en promettant d'empêcher «que la sécurité des femmes et des hommes polonais soit menacée par des migrants illégaux».
Le taux de participation a été de 66,8%, selon le sondage. Le chef de l'Etat polonais a des pouvoirs limités mais dispose d'un droit de veto sur les initiatives législatives, une prérogative fréquemment utilisée par le président sortant Andrzej Duda depuis l'arrivée au pouvoir, en 2023 de la coalition de l'ancien dirigeant européen Donald Tusk.
L'international au coeur de la campagne
Une victoire de Rafal. Trzaskowski permettrait au gouvernement de tenir ses engagements les plus importants qui n'ont pas été honorés. La coalition en place à Varsovie a en effet fait bien des déçus, en particulier parmi les défenseurs des droits des femmes – dont celui à l'avortement.
Elle lui donnerait aussi la possibilité de réaliser des progrès dans le rétablissement de l'Etat de droit, mis à mal par le précédent gouvernement populiste et le président sortant. «Avec Nawrocki, le gouvernement sera de fait paralysé et cela peut mener à terme à la chute de la coalition au pouvoir», juge la politologue Anna Materska-Sosnowska. Son succès signifierait «en réalité le retour des populistes, avec une force décuplée, au plus tard dans deux ans», aux prochaines législatives, selon elle.
La politique internationale a largement dominé la campagne électorale, notamment la question de la place de la Pologne entre l'UE et les Etats-Unis, et mis en lumière un affrontement entre deux conceptions distinctes. Les questions sociales ont également joué un rôle important dans les débats.
Vers un entre-deux tours «brutal»
Rafal Trzaskowski, âgé de 53 ans, a promis de soutenir les droits à l'avortement dans un pays où il est quasiment interdit et ceux de la communauté LGBTQ. Le parti Droit et Justice (PiS), qui soutient le nationaliste Karol Nawrocki, a souvent été en désaccord avec les alliés occidentaux de la Pologne et Bruxelles sur les questions du respect de l'Etat de droit, jusqu'à ce qu'il perde le pouvoir en 2023.
Karol Nawrocki, 42 ans, qui dit admirer Donald Trump, affirme que le président américain lui a dit «Vous allez gagner» lorsqu'ils se sont rencontrés à la Maison Blanche début mai. «La partie pour tout ou rien ne fait que commencer. Une lutte acharnée pour chaque vote. Ces deux semaines décideront de l'avenir de notre patrie. C'est pourquoi il ne faut reculer même d'un pas», a déclaré Donald Tusk sur la plateforme X, après la publication du sondage à la sortie des urnes.
Selon Ewa Marciniak, sociologue et directrice de l'institut des sondages CBOS, la campagne pour le deuxième tour «sera très brutale: chacun des candidats cherchera à tout prix à discréditer son rival, par tous les moyens possibles». Le résultat du scrutin dépendra en grande partie des électeurs de l'extrême droite et notamment de Slawomir Mentzen qui aurait obtenu 15,4% de voix.
Rien n'est encore joué
«C'est le plus grand succès dans l'histoire de notre camp», a clamé ce libertarien eurosceptique, fermement opposé à l'avortement et aux migrants, dont aux réfugiés ukrainiens. Selon Wojciech Przybylski de la fondation Res Publica, «plus de 20% des voix pour l'extrême droite signifie que Trzaskowski ne peut absolument pas être sûr de remporter l'élection».
«Le résultat du deuxième tour dépend du taux de participation et de la mobilisation des jeunes qui ont voté pour Slawomir Mentzen, et le candidat de gauche radicale Adrian Zandberg» qui est crédité de 5,2% de voix, a-t-il ajouté. Wojciech Kuras.
Cet homme de 44 ans, entrepreneur à Sandomierz (sud), n'a pas voté pour Rafal Trzaskowski mais n'a pas exclu de le faire au second tour. «Ce sera difficile pour Rafal Trzaskowski. C'est un résultat tellement difficile parce que si d'autres s'unissent, cela peut être égal. (...) Ce sera un défi», a-t-il déclaré à l'AFP.