Depuis des années, le projet géant saoudien Neom tient le monde en haleine. Ce concept de la taille de la Belgique fascine l'opinion publique mondiale. Il incarne à la fois une vision futuriste et la mégalomanie des puissants: des villes en lignes droites, des stations de ski dans le désert, une architecture révolutionnaire dans une nature désolée. Le prince héritier saoudien Mohammed Bin Salman met en scène Neom comme symbole de son pouvoir et de la modernité du royaume.
Mais la façade s'effrite depuis longtemps. Dès le printemps 2024, il a été annoncé que la ville «The Line», initialement prévue pour mesurer 170 kilomètres de long, 500 mètres de haut et 200 mètres de large, serait réduite à... 2,4 kilomètres. De sources bien informées, Blick a appris entre-temps que le fonds souverain saoudien PIF avait suspendu le 16 septembre les travaux de «The Line» ainsi que de «Magna» – un projet de complexe touristique de luxe sur la mer Rouge – jusqu'à nouvel ordre.
L'ancien Directeur général des opérations (COO) de «The Line», Giles Pendleton, est depuis août chef du projet «Trojena», c'est-à-dire du domaine skiable prévu dans les montagnes saoudiennes, qui fait partie de Neom. Mais ce n'est pas tout. L'ancien CEO de «The Line», Denis Hickey, aurait également rejoint «Trojena», ce qui confirme indirectement l'arrêt de la construction. Enfin, l'ancien patron de «Trojena», Philip Gullett, a quant à lui jeté l'éponge.
L'Etat resserre l'étau
Le Zurichois Ralph Lengler, qui gère à plein temps la chaîne Youtube «Gigaprojects» et s'est déjà rendu plusieurs fois sur place à Neom, ne cache pas son scepticisme. «Il semble que l'Arabie saoudite ait perdu confiance en Neom et qu'elle soit en train de démanteler toute l'organisation». Les projets viables sont apparemment confiés à des institutions étatiques établies, qui peuvent les mettre en œuvre plus efficacement.
Il a lui-même entendu de la bouche d'un initié de Neom que «Trojena» dépendait désormais du ministère des sports, que l'île de luxe «Sindalah» allait être confiée au développeur de tourisme public Red Sea Global et que la ville industrielle et logistique «Oxagon» en projet devait désormais dépendre de la société pétrolière publique Aramco.
Un article du «Financial Times» confirme au moins que «Sindalah» revient à Red Sea Global. Car le mégaprojet de 500 milliards de dollars de MBS serait soumis à une restructuration. Sindalah a été inauguré en douceur en octobre 2024, mais n'est jusqu'à présent pas ouvert au public.
Selon un rapport de «Semafor», 1000 collaborateurs de Neom seront en outre transférés dans la capitale saoudienne Riyad et des centaines d'autres licenciés, parce que le financement du mégaprojet dérape.
Le faux pas du prince
«Il semble que Mohammed Bin Salman ait perdu son pari», analyse Ralph Lengler. Dans le dernier rapport annuel du fonds souverain saoudien PIF, une dépréciation d'environ 8 milliards de dollars est déclarée pour les gigaprojets, dont Neom fait partie. Toutefois, la valeur des actions de gigaprojets en 2023 était de 64 milliards de dollars, en 2024 elle était de 56 milliards, mais 36 milliards ont encore été investis en 2024. La dépréciation effective est donc plutôt de 44 milliards de dollars.
Les retards, les controverses et les dépassements de budget de Neom ne s'arrêtent pas qu'au bâti. «Trojena» devait accueillir les Jeux asiatiques d'hiver 2029. «Comme 'Trojena' ne sera pas prête à temps sans une augmentation massive du budget, les organisateurs cherchent déjà un lieu alternatif», dit Ralph Lengler. «Trojena» s'efforce déjà d'obtenir l'organisation de l'édition 2033, qui n'a pas encore été attribuée.
Un problème similaire se pose pour «The Line»: celle-ci comprend un stade dans lequel des matches de la Coupe du monde de football sont prévus en 2034. L'arrêt de la construction devrait cependant refroidir la Fifa. Toujours selon Ralph Lengler, l'Arabie saoudite devrait, par précaution, déjà se mettre à la recherche d'une ville hôte alternative pour la Coupe du monde.
L'organisation Neom ne s'exprime pas sur les derniers développements auprès des médias indépendants. Ralph Lengler dresse le bilan suivant: «The Line dans sa forme initialement prévue est voué à l'échec. Pour d'autres projets, il y aura des adaptations massives». Neom doit continuer à être le projet central pour la diversification et la modernisation de l'économie saoudienne – mais sans doute dans une mesure plus modeste.