«Ils risquent de mourir!»
Trump coupe l'aide à Kaboul alors que 3,5 millions d'enfants sont sous-nourris

La fermeture d'une clinique de nutrition infantile à Kaboul, conséquence du gel de l'aide américaine, menace la santé de milliers d'enfants afghans. Cette situation aggrave la crise humanitaire dans un pays où 3,5 millions d'enfants souffrent déjà de malnutrition.
Publié: 16.04.2025 à 09:11 heures
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Dernière mise à jour: 16.04.2025 à 09:16 heures
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La directrice nationale d'Action contre la Faim parle à son équipe et à des journalistes à Kaboul, le 15 avril 2025.
Photo: keystone-sda.ch
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AFP Agence France-Presse

Les cris et les pleurs des enfants ont laissé place à un grand silence: dans un centre de lutte contre la malnutrition à Kaboul, les patients sont désormais congédiés et les équipes médicales remerciées, conséquence directe de l'arrêt de l'aide américaine. «Des enfants vont continuer de venir et ne recevront pas de soins, donc ils risquent de mourir», alerte Cobi Rietveld, directrice de l'ONG Action contre la faim (ACF) pour l'Afghanistan qui gère cette clinique, dans l'est de la capitale afghane.

Entièrement financé par Washington, jusqu'ici plus grand pourvoyeur d'aide au pays, le projet a dû fermer ses portes après que le président Donald Trump a décidé de geler les aides à l'étranger. Faute de financements alternatifs, les peluches, jouets et biberons ont été mis au placard et la pharmacie fermée à clé quand le dernier patient a quitté les lieux fin mars.

«Quand des patients malnutris arrivent, nous devons leur expliquer la situation et leur dire d'aller ailleurs», relate Farid Ahmad Barakzai, médecin-chef qui, comme le reste de l'équipe, sera au chômage à la fin de la semaine. Dans sa clinique, 65 enfants souffrant de malnutrition aiguë avec complications étaient admis en moyenne par mois. Ils y restaient plusieurs jours durant avec leurs mères pour y être nourris mais aussi pour empêcher une spirale de maladies.

Un pays meurtri

Car, explique Cobi Rietveld, «un enfant malnutri contaminé par une infection a un risque plus élevé d'en mourir qu'un enfant bien nourri». «Ailleurs, ils n'auront pas de soins spécialisés comme ici», poursuit-elle. La malnutrition des enfants dans le pays où 45% des habitants ont moins de 14 ans est l'un des défis les plus importants car elle touche des générations entières sur le long terme.

Actuellement, 3,5 millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition et 45% accusent des retards de croissance, des taux parmi les plus élevés du monde, d'après l'ONU. Les adultes sont également touchés: 15 millions d'Afghans sont en insécurité alimentaire, dont 3,1 millions se trouvent déjà au dernier palier établi par l'ONU avant la famine.

La semaine dernière, le Programme alimentaire mondial (PAM) a indiqué que les Etats-Unis avaient décidé de ne pas reprendre l'aide alimentaire d'urgence à l'Afghanistan, après avoir changé d'avis pour d'autres pays. Après quatre décennies de guerres et de crises, ce pays traverse pourtant officiellement la deuxième plus grande crise humanitaire mondiale, derrière le Soudan en guerre, selon l'ONU.

«C'est un pays qui a connu de nombreuses secousses», remarque auprès de l'AFP Edwin Ceniza Salvador, représentant de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). «Du fait de la fragilité du système, même les soins de base, comme le dépistage des maladies, n'existent pas», déplore-t-il, regrettant que «les plus vulnérables» en soient les premiers affectés.

«J'ai des gens en pleurs dans mon bureau»

La crise du financement se traduit également par de nombreux licenciements dans le secteur humanitaire, alors que le taux de chômage a déjà atteint 12,2% en 2024, selon la Banque mondiale. Ces derniers mois, ACF a par exemple été contrainte de renvoyer 150 de ses 900 employés dans le pays.

«J'ai des gens en pleurs dans mon bureau», raconte Cobi Rietveld. «Nous les écoutons, nous les soutenons, mais on ne peut pas leur donner de travail». Le coup est d'autant plus dur pour les femmes, qui constituaient la majorité des 40 employés du centre de nutrition infantile à Kaboul.

Depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, des restrictions draconiennes leur sont imposées, poussant l'ONU à dénoncer un «apartheid de genre». De nombreux secteurs d'emploi leur sont interdits et elles ne peuvent plus étudier au-delà du primaire, sauf à choisir une école coranique. «Pour nombre d'entre nous, cette clinique était le dernier endroit où nous pouvions travailler», regrette Wazhma Noorzai, infirmière de 27 ans. «Maintenant, on perd même ça.»

Pour se relever après la perte des fonds américains (30% du budget de l'organisation au niveau local), «on explore d'autres options, on parle avec d'autres donateurs», indique Cobi Rietveld. «Mais je pense qu'aucun d'entre eux ne pourra combler ce vide».

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