Devant les juges aujourd'hui
Roger Lumbala en procès pour complicité de crimes contre l'humanité

Le procès de l'ex-rebelle congolais Roger Lumbala s'est ouvert à Paris pour complicité de crimes contre l'humanité. Il concerne des exactions commises en 2002-2003 dans l'est de la RDC, marquant un moment historique dans la justice internationale.
Publié: 10:17 heures
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Dernière mise à jour: 10:20 heures
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Le procès de l'ex-rebelle congolais Roger Lumbala s'est ouvert à Paris pour complicité de crimes contre l'humanité.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Le procès de l'ex-rebelle congolais Roger Lumbala s'est ouvert mercredi à Paris, une audience historique sur les atrocités commises dans l'est de la République démocratique du Congo, théâtre d'un des conflits les plus meurtriers du XXIème siècle. Notamment poursuivi pour complicité de crimes contre l'humanité commis il y a près d'un quart de siècle, cet homme de 67 ans est détenu à la prison de la Santé depuis son arrestation en France en décembre 2020.

A l'ouverture des débats, il s'est présenté comme ancien ministre du Commerce et ex-parlementaire de son pays, ainsi que comme «promoteur de deux chaînes de télévision» congolaises. Il encourt le 19 décembre un verdict de réclusion criminelle à perpétuité au terme de six semaines de débats, avec les témoignages attendus de dizaines de victimes, sans que l'on sache combien pourront se déplacer jusqu'à la cour d'assises de Paris ou même témoigner à distance depuis l'est de la RDC, toujours en proie à des conflits.

La justice française reproche à Roger Lumbala les crimes commis en 2002 et 2003 en Ituri et dans le Haut-Uélé par son mouvement rebelle du RCD-N (Rassemblement des Congolais démocrates-National), soutenu par l'Ouganda voisin, et qui comptait parmi la dizaine de groupes alors en guerre dans le nord-est de la RDC. Ces exactions ont été perpétrées lors d'une offensive contre des mouvements pro-gouvernementaux, baptisée «Effacer le tableau» et menée conjointement avec son allié du Mouvement de libération du Congo (MLC) de l'actuel ministre congolais Jean-Pierre Bemba.

«Instruments de guerre»

Outre la lutte contre les forces loyales au président de l'époque Joseph-Désiré Kabila, cette opération visait à «mettre la main sur les ressources naturelles» de la région, selon le rapport «Mapping» de l'ONU publié en 2010. Elle a donné lieu à de nombreux crimes: exécutions sommaires, travail forcé, tortures, mutilations, pillages, ainsi que des viols de femmes.

Ceux-ci ont été utilisés comme «instruments de guerre» par des combattants qui se désignaient comme «les effaceurs», selon les magistrats instructeurs français qui avaient lancé leurs investigations en 2016. Les femmes nande et pygmées bambuti, deux communautés soupçonnées de pencher du côté d'un groupe armé pro-Kinshasa, le RCD-ML, ont payé un lourd tribut.

Ephémère ministre durant la période de transition entre 2003 et 2005, puis candidat à la présidentielle en 2006 avant de reprendre le chemin de l'exil, Roger Lumbala, qui a expliqué durant l'enquête qu'il n'était alors qu'un «homme politique n'ayant disposé d'aucun militaire sous ses ordres», va contester la compétence de la justice française lors de la première journée de débats.

Les juges d'instruction, qui le décrivent comme «un chef de guerre à la tête de forces armées» ayant laissé les combattants «sous son autorité et son contrôle commettre des crimes contre l'humanité», l'ont poursuivi au titre de la compétence universelle. Celle-ci permet de juger les auteurs de tels crimes même s'ils sont commis dans un autre pays. Parmi les conditions, l'auteur présumé ne doit pas être poursuivi pour les mêmes faits devant une juridiction de son pays et doit avoir sa résidence habituelle en France: à l'inverse de Jean-Pierre Bemba, c'est le cas de Roger Lumbala qui dispose d'un appartement à Paris.

«Un signal fort»

Ce «procès historique» est le premier au monde «en vertu de la compétence universelle pour des atrocités de masse commises en République démocratique du Congo (RDC) par un ressortissant congolais», se sont félicitées dans un communiqué plusieurs ONG parties civiles, la Clooney Foundation for Justice (CFJ), TRIAL International, Minority Rights Group (MRG), Justice Plus et PAP-RDC, qui soutient les populations pygmées de RDC.

«Le fait de tenir Lumbala responsable de ses actes envoie un signal fort dans le conflit violent qui sévit actuellement en RDC, à savoir que les abus feront l'objet d'enquêtes et que justice sera rendue», se félicite Samuel Ade Ndasi, de l'ONG britannique MRG. Aujourd'hui, des combats entre forces armées congolaises et groupes armés, notamment le M23 soutenu par le Rwanda voisin, se poursuivent dans l'est de la RDC malgré des pourparlers et la récente signature d'un accord de paix entre Kinshasa et Kigali. Depuis près de 30 ans, ces guerres ont fait directement ou indirectement (maladies, destruction des infrastructures, etc.), des millions de morts et de déplacés.

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