Cette journaliste ukrainienne y est morte
Organes volés, corps brisé: l’effroyable vérité des prisons de Poutine

Des humains transformés en «meubles», des exécutions simulées, la faim, les coups. Après la mort de la journaliste ukrainienne Victoria Rochtchina, de nouveaux éléments glaçants sur les méthodes de torture dans le centre russe de Taganrog ont été révélés.
Publié: 03.05.2025 à 08:03 heures
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Son corps portait des traces de torture et il lui manquait plusieurs organes.
Photo: AFP
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Angela Rosser

En août 2023, la journaliste ukrainienne Victoria Rochtchina, alors âgée de 26 ans, a disparu. En avril 2024, la Russie a confirmé sa détention. Ce n’est que récemment qu’elle est revenue dans son pays... morte. Une enquête a révélé qu’elle avait été torturée et que son corps avait été retrouvé sans organes.

La journaliste a été emprisonnée et torturée pendant des mois à Taganrog. Selon une enquête menée par 13 médias, dont «The Guardian», «The Washington Post» et «Le Monde», des actes de torture ont été infligés de manière systématique sur des civils et des soldats ukrainiens dans cette prison et dans 27 autres établissements. Ces conclusions s’appuient sur des témoignages d’anciens détenus et de proches. 

Un «rituel sacré de bienvenue»

Un «rituel de bienvenue» est imposé dès l’arrivée. Comme le souligne Alice Edwards, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture: «Pour moi, il est clair que la torture fait partie de la politique de guerre russe.» D’anciens prisonniers décrivent des électrochocs, des coups, ou encore le supplice du waterboarding – technique de torture avec de l'eau pour simuler une noyade.

La brutalité commence dès les premiers instants. «C’est un rituel sacré pour eux. Les yeux bandés, les mains attachées et la tête baissée, on vous ordonne d’avancer, et tous ceux présents vous frappent avec ce qu’ils ont sous la main», témoigne l’ancien détenu Volodymyr Labuzov.

Les cellules surpeuplées sont marquées par la faim. Le repas quotidien consiste parfois en quatre fourchettes de pâtes. Parfois, du poisson y est mélangé… avec des arêtes et les intestins. Lors des fouilles ou des interrogatoires qui sont menés deux fois par jour, les prisonniers sont battus.

L’ex-soldate Yelyzaveta Shylyk évoque une pièce équipée d’une chaise électrique: «On m’y a fait asseoir deux fois, des pinces fixées entre les orteils, puis ils ont allumé le courant.» Elle confie les menaces de viol et les attaques à l’aide de chiens dont elle a été victime. Les électrochocs étaient infligés à l’aide d’un vieux téléphone de campagne soviétique.

Supervisées par le service fédéral de sécurité

Oleksandr Maksymchuk a décrit des tortures similaires dans un témoignage à «The Guardian». Des gardiens auraient emmailloté les prisonniers de ruban adhésif et se seraient assis sur eux, les utilisant comme «meubles humains». Les tortures étaient supervisées par le Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB). 

Un ancien cadre du service pénitentiaire russe (FSIN) affirme que des instructions ont été données dès le printemps 2022 pour sévir contre les prisonniers ukrainiens: «Ce n’était pas dit clairement, comme 'Allez les battre!', mais nous avons tous compris. Du général au commandant des forces spéciales, le message était qu’il fallait 'travailler dur et tout faire'.»

A Taganrog, outre les soldats, on retrouve aussi des civils détenus sans accusation ni procès et coupés du monde. Avant 2022, la prison comptait environ 400 détenus, mais leur nombre aurait explosé. Les avocats y ont un accès extrêmement limité. «Certains sont là depuis des années, et on ne sait même pas où ils se trouvent», déclare un avocat russe.

Même si certains témoignages parlent d’un léger mieux, Taganrog reste un outil de menace. «Quand ils disent: 'On vous envoie à Taganrog', beaucoup signent tout ce qu’on leur met sous les yeux», confie une source juridique russe. La torture systématique constitue une grave violation du droit international.

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