Les relations diplomatiques entre la République tchèque et Pékin se sont dégradées mercredi, Prague convoquant l'ambassadeur de Chine après une importante attaque informatique ayant visé le gouvernement. «La partie chinoise doit réaliser les conséquences graves que de telles activités font peser sur les relations bilatérales», a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jan Lipavsky sur X.
Son ministère a indiqué dans un communiqué mercredi que l'attaque visant «l'un de ses réseaux non classifiés» avait commencé en 2022, nécessitant une enquête approfondie du contre-espionnage de ce pays, membre de l'OTAN.
Selon Jan Lipavsky, les assaillants avaient été «détectés lors de l'intrusion» et cet Etat de l'UE en a conclu que «l'activité a été perpétrée par APT31, publiquement associé au ministère de la Sécurité de l'Etat chinois». En conséquence, la République tchèque a appelé la Chine à «prendre toutes les mesures appropriées pour remédier à cette situation».
Liens avec Taïwan
Le contre-espionnage tchèque l'avait déjà désignée comme une menace dans son rapport annuel de 2024, affirmant que l'ambassade de Chine cherchait des «informations sur la scène politique» locale.
Car des présidents du Parlement tchèque se sont rendus à Taïwan, tandis que des responsables de l'île ont été reçus en Tchéquie, actuellement gouvernée par une coalition centriste. Or ces dernières années, l'île a connu une intensification de la pression de la part de la Chine, qui a promis de s'en emparer un jour, par la force si nécessaire.
Alors que Pékin multiplie les discours sur une unification «inévitable», Taïwan a renforcé ses liens avec des démocraties, comme la Lituanie, qui s'était attirée les foudres du géant asiatique.
Une «menace existentielle»
Plusieurs pays d'Europe centrale estiment partager avec l'île une même «menace existentielle», après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, proche de la Chine, en 2022. En mai 2024, les Affaires étrangères tchèques avaient convoqué l'ambassadeur de Russie, déjà au sujet de cyberattaques répétées visant plusieurs pays européens, dont la Pologne.
Prague, qui coordonne une aide militaire de 18 alliés à l'Ukraine, dont le Canada, a attribué les attaques au groupe russe APT28, lié au service de renseignement militaire russe GRU. Les renseignements tchèques ont ensuite considéré que la Russie était un «danger permanent», faisant automatiquement baisser aussi la confiance envers Pékin.
L'UE «prête à répondre»
Cette montée de la tension en Europe centrale est prise très au sérieux par Bruxelles, parce qu'elle est le dernier développement d'une série d'incidents concernant la puissance chinoise.
Dans un communiqué mercredi, la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a «fermement condamné les activités informatiques malveillantes» et appelé la Chine à «s'abstenir de tels comportements». L'UE est «prête à prendre de nouvelles mesures (pour) répondre», a-t-elle ajouté, affichant la «solidarité» du bloc envers la République tchèque.
De son côté, l'OTAN a dit dans un communiqué mercredi observer «avec une inquiétude croissante le schéma exponentiel» de ces agissements pour «déstabiliser l'alliance». Les États-Unis et le Royaume-Uni considèrent que le groupe de hackeurs baptisé APT31 est lié au gouvernement chinois, et lui attribuent, comme la France, des attaques. Si Washington affirme que les opérations de piratage appuyées par la Chine sont les plus vastes au monde, Pékin a toujours nié être impliqué.
Washington dénonce la cyberattaque
Washington a dénoncé mercredi la cyberattaque chinoise, demandant à Pékin de «cesser immédiatement toute activité de ce type» et de «se comporter de manière responsable». «Nous demandons avec insistance à la Chine de se comporter de manière responsable dans le cyberespace, en adhérant à ses engagements internationaux», a fait savoir le bureau du département d'Etat américain spécialisé dans le cyberespace et les technologies numériques.