L'historien et éditeur français Pierre Nora, membre de l'Académie française, est mort lundi à l'âge de 93 ans, a annoncé sa famille à l'AFP. «Anne Sinclair Nora a la douleur d'annoncer le décès de son époux Pierre Nora survenu le 2 juin 2025», a indiqué la famille dans un communiqué transmis par le neveu de l'historien, l'éditeur Olivier Nora.
Figure de l'historiographie
Né le 17 novembre 1931 à Paris, Pierre Nora est issu d'une famille de la grande bourgeoisie juive parisienne. Agrégé d'histoire en 1958, il part en pleine guerre d'Algérie enseigner à Oran, française à l'époque, d'où il ramène en 1960 un essai de psychologie collective «Les Français d'Algérie».
En 1971, il dirige avec Jacques Le Goff la publication de «Faire l'histoire», une enquête en trois volumes sur la civilisation dans ses manifestations les plus quotidiennes (la cuisine), les plus intimes (le corps), individuelles ou collectives (la fête).
Il est surtout connu comme le maître d'oeuvre d'un ouvrage qui fait référence sur l'identité culturelle et historique de la France, «Les Lieux de mémoire», en trois tomes ("La République» en 1984, «La Nation» en 1986 et «Les France» en 1992).
«J'ai voulu étudier la mémoire nationale et, plutôt que de faire des généralités, il m'a paru plus excitant d'étudier les lieux (emblèmes, symboles, musées, archives, institutions etc.) où elle s'est condensée et exprimée», expliquait-il en 1984.
Pierre Nora a fait surgir «un nouvel objet d'histoire», a résumé l'historien français René Rémond, à propos de cette somme qui traite du Panthéon, du Tour de France, du Code civil, de l'encyclopédie Larousse, des funérailles de Victor Hugo, de la forêt ou encore de la vigne.
Cet intellectuel que L'Express qualifia de «déchiffreur de l'identité française», qui affirmait qu'il fallait «penser la nation sans nationalisme» et qui passait pour dédaigner le pouvoir, intervenait fréquemment sur les sujets les plus sensibles de l'Histoire de la France contemporaine, depuis la guerre d'Algérie. Il devint en 2007 président de l'association «Liberté pour l'histoire», qui défend la liberté d'expression des historiens contre les interventions politiques. «Ce n'est pas au juge ni au législateur de dire l'Histoire», affirmait-il. Il a été également l'un des grands noms de l'édition en France, chez Gallimard, où il a créé et dirigé plusieurs collections de référence en histoire et sciences humaines.
Epoux de Anne Sinclair
Après avoir formé des générations d'étudiants en tant que directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et comme enseignant à Sciences Po Paris, il avait été élu à l'Académie française en 2001. Il a publié deux livres de souvenirs en 2021 et 2022 chez Gallimard, «Jeunesse» et «Une étrange obstination».
Pierre Nora, qui partagea sur le tard la vie de la journaliste Anne Sinclair, a aussi été directeur de la revue «Le Débat» et membre fondateur de l'influente fondation Saint-Simon.