Les entreprises leur ont trouvé des remplaçants
A cause de l'IA, les influenceurs sont désormais menacés d'extinction

De plus en plus d'entreprises misent sur des influenceurs IA – des personnalités virtuelles qui ressemblent à s'y méprendre à des personnes réelles – pour faire leur publicité. En Suisse aussi, ils commencent à attirer l'attention.
Publié: 02.08.2025 à 22:28 heures
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La belle mais néanmoins factice Aitana Lopez compte déjà plus de 373'000 followers.
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Nathalie Benn

«Pas de filtre, pas de Botox, pas de chirurgie, juste moi!», écrit Emily Pellegrini sous l'une de ses courtes vidéos sur Instagram. On peut y voir l'influenceuse poser dans un petit bikini bleu clair. Sa déclaration est difficile à croire quand on regarde sa silhouette avec une taille minuscule et une poitrine généreuse.

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Mais cette influenceuse est différente des starlettes habituelles des réseaux sociaux: elle n'a pas eu besoin d'une opération de chirurgie esthétique ou de mille produits de beauté. Car Emily Pellegrini n'existe pas. Elle est ce que l'on appelle une influenceuse IA, un personnage totalement artificiel généré par ordinateur. Son profil compte actuellement 358'000 followers. A l'inverse, leurs homologues en chair et en os doivent souvent passer plusieurs heures devant le miroir pour obtenir le même résultat. Cette profession, encore jeune, est-elle aujourd'hui menacée par ces avatars impeccables?

Les multinationales se frottent les mains

Car ce business fabriqué de toutes pièces avec des personnages virtuels est très lucratif. Ainsi, le créateur d'Emily Pellegrini, qui se fait simplement appeler «Professeur EP», a gagné l'année dernière des revenus à sept chiffres grâce à elle, comme il l'a raconté au journal allemand «Der Spiegel». Une étude américaine estime la valeur de marché du secteur des influenceurs IA à environ six milliards de dollars pour 2024. D'ici 2030, elle devrait croître de plus de 80% pour atteindre près de 46 milliards.

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Les influenceurs IA ne tombent pas malades, ne prennent pas de vacances et fournissent exactement ce qu'on leur demande
Anja Lapčević, cofondatrice et directrice de l'association «Conscious Influence Hub»
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En plus d'Emily Pellegrini, il existe de nombreuses autres personnalités artificielles sur la toile. Aitana Lopez, par exemple, une influenceuse créée par l'agence créative espagnole «The Clueless», compte 373'000 followers. Grâce à des coopérations publicitaires, des revenus allant jusqu'à 10'000 euros par mois vont directement dans les caisses de l'agence. Le modèle britannique d'intelligence artificielle Shudu – qui a déjà été engagée par des marques comme Balmain, Ellesse et Lexus – est suivie par 238'000 personnes sur Instagram. Son homologue masculin Zlu, originaire de France, en compte presque le double.

«Les entreprises aiment la contrôlabilité», explique Anja Lapčević, cofondatrice et directrice de l'association «Conscious Influence Hub», qui s'engage pour un comportement responsable sur les réseaux sociaux. «Et c'est exactement ce que proposent les influenceurs IA: ils ne tombent pas malades, ne prennent pas de vacances et fournissent exactement ce qu'on leur demande.»

D'autres emplois menacés?

Le marché du marketing d'influence, qui brasse des milliards de dollars, est à la veille d'un bouleversement massif. C'est en tout cas l'avis de Tanja Herrmann, directrice de l'agence «House of Influence». Depuis huit ans, elle travaille avec des influenceurs qui font la promotion de produits et de services pour des entreprises auprès de leurs groupes cibles. 

«Aujourd'hui déjà, nous avons du mal à reconnaître si une vidéo est réelle ou factice», explique-t-elle à Blick. Tanja Herrmann n'a aucune peine à s'imaginer travailler à l'avenir avec des influenceurs IA. «Le secteur de la publicité évolue extrêmement vite. Si l'on veut rester dans la course, il faut reconnaître les tendances à temps».

Et de poursuivre: «Autrefois, les influenceurs étaient simplement des célébrités. On leur empruntait leur visage pour un message publicitaire. Ce n'est qu'il y a une dizaine d'années que sont apparus les influenceurs tels que nous les connaissons aujourd'hui: des personnes qui, grâce à leurs contributions sur les plates-formes sociales, se créent un réseau et imposent une sorte de 'ligne commerciale' par leur personnalité. Avec eux, le marketing d'influence a également connu un grand boom.»

La Suisse n'y prête pas attention... pour l'instant

Dans notre pays aussi, les entreprises reconnaissent le potentiel de cette nouvelle technologie. Anja Lapčević sait que certains groupes envisagent d'utiliser des personnages virtuels à des fins publicitaires. «Il faut avant tout des connaissances techniques et des personnes capables d'utiliser des systèmes d'IA sophistiqués, d'écrire des scripts et de développer des messages ciblés».

Tanja Herrmann confirme: «Nous n'avons actuellement pas assez de personnel pour créer nous-mêmes de tels personnages». Le savoir-faire nécessaire fait défaut. «C'est typiquement suisse, poursuit-elle. Dans les pays voisins, les influenceurs virtuels sont déjà plus présents. Nous sommes plus lents, nous attendons d'abord. Certaines tendances n'arrivent même jamais jusqu'ici. Mais je pense que dans ce cas précis, ce n'est pas une question de si, mais de quand».

Autrefois, les influenceurs voulaient convaincre par leur personnalité et leur portée. Mais comme l'apparence et le charisme ne déterminent plus qui gagne le gros lot dans le monde de la publicité, les influenceurs IA menacent déjà l'avenir de leurs prédécesseurs humains.

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