Hausse des arrestations
L'Espagne, cette destination privilégiée des délinquants en cavale

L'Espagne, destination prisée des fugitifs, voit une augmentation des arrestations. En 2023, 460 personnes en fuite ont été interpellées, contre 390 l'année précédente. La Section de localisation des fugitifs de la police espagnole reste vigilante face à cet afflux.
Publié: 28.05.2025 à 12:11 heures
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Dernière mise à jour: 28.05.2025 à 12:29 heures
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Mohamed Amra s'est caché en Espagne, dans une luxueuse villa à Malaga.
Photo: keystone-sda.ch
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AFP Agence France-Presse

Synonyme pour beaucoup de vie au soleil et de nuits animées, l'Espagne est depuis longtemps une destination privilégiée des délinquants en cavale, nombreux à trouver refuge dans ses stations balnéaires. Un choix loin d'être payant, au vu du nombre de fugitifs arrêtés dans le pays.

Trafiquants de drogue, délinquants sexuels, cybercriminels... L'an dernier, 460 personnes en fuite, en majorité des étrangers, ont été interpellées sur le territoire espagnol par la Section de localisation des fugitifs de la police, contre 390 en 2023. Et depuis janvier, le rythme des arrestations ne faiblit pas.

«Tous les jours, nous arrêtons de nouvelles personnes», assure à l'AFP Fernando Gonzalez, à la tête de ce service créé en 2004, dans lequel travaillent une vingtaine de policiers spécialisés. «Pour les trafiquants, l'Espagne reste très attractive», insiste-t-il.

Des profils variés

Parmi les prises marquantes des derniers mois figurent le Serbe Nikola Vusovic, leader du puissant clan Kavac interpellé mi-octobre à Barcelone, et le chef de cartel péruvien Omar Luis Castañeda, soupçonné d'être impliqué dans 16 assassinats, localisé en début d'année près d'Alicante.

Cette section spécialisée a également capturé fin février Fernando D., tireur présumé du commando qui a tué deux agents pénitentiaires lors de l'évasion spectaculaire en mai 2024 du narcotrafiquant français Mohamed Amra, qui vivait dans une luxueuse villa de la province de Malaga.

«On a des profils variés» mêlant gros criminels et petits délinquants, ainsi qu'"un grand nombre de nationalités», détaille Fernando Gonzalez, en épluchant les listes des derniers interpellés. Parmi eux, «des Marocains», «des Français» et «des Latino-Américains», dont le nombre a grimpé ces dernières années.

Pas un phénomène nouveau

Cet attrait pour l'Espagne n'est pas nouveau. «C'est historique», rappelle auprès de l'AFP un enquêteur français. «Ce n'est pas seulement la destination des délinquants en cavale, c'est aussi celle de voyous qui s'y sont installés et qui naviguent entre le Maroc, l'Espagne et la France».

En cause, notamment: la qualité de vie espagnole, entre climat ensoleillé, culture festive et accès facile à toutes sortes de commodités. «C'est un pays où il fait bon vivre (...) Il est facile d'y louer des villas avec piscine, très discrètes», détaille cet enquêteur.

Une analyse partagée par Carlos Bautista, avocat pénaliste et ancien magistrat spécialisé dans les extraditions, qui pointe également le rôle de la géographie. «L'Espagne est un carrefour entre l'Europe, l'Amérique et l'Afrique: il est normal que beaucoup viennent se cacher ici», estime-t-il.

Se fondre dans la masse

Dans un pays qui reçoit plus de 90 millions de touristes par an, et où résident d'importantes communautés étrangères, notamment britanniques, françaises et allemandes, les fugitifs ont par ailleurs la possibilité de se fondre plus facilement dans la masse.

«Cela permet de s'appuyer sur des contacts», qui peuvent apporter «de l'aide», observe Fernando Gonzalez, qui cite le cas d'une Allemande interpellée voilà quelques années dans les îles Baléares. «Elle vivait depuis plusieurs années en Espagne sans parler un mot d'espagnol», raconte-t-il.

Le jeu du chat et de la souris

Comme elle, les fugitifs se cachent le plus souvent dans les zones côtières, où se concentrent les expatriés. Pour se mettre au vert, «beaucoup choisissent la Catalogne ou l'Andalousie», en particulier les villes de la Costa del Sol, comme Malaga ou Marbella, détaille Carlos Bautista.

Un choix qui ne garantit en rien le fait de passer inaperçu, les arrestations étant particulièrement élevées dans ces régions. «Il y a un jeu du chat et de la souris» mais «on finit généralement par les trouver», même si cela demande de la «patience», affirme Fernando Gonzalez.

Avoir de la patience

Filatures, écoutes téléphoniques, surveillance des réseaux sociaux et surtout coopération étroite entre les différents pays, notamment via le réseau européen Enfast... «L'Espagne est un pays très actif en matière d'extradition: tôt ou tard, ils finissent par être arrêtés», insiste Carlos Bautista.

Dans les bureaux de la Section de localisation des fugitifs, où abondent les photos de criminels en fuite et les souvenirs d'opérations menées ces dernières années, une devise résume ce travail de fourmi: «La patience du chasseur est la qualité première de l'enquêteur.»

«Il y a peut-être des fugitifs qui vivent tranquillement sur notre territoire» mais «ça ne veut pas dire qu'ils nous échapperont éternellement», prévient Fernando Gonzalez.

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