Rocher écologique, vraiment?
Alerte à Monaco, ce paradis fiscal qui a remplacé la Suisse

A la veille de la grande conférence des Nations-Unis qui s'ouvre à Nice lundi 9 juin, Emmanuel Macron s'est rendu dans la principauté pour saluer ses efforts de défense des océans. Mais quid des dessous financiers de Monaco, que l'Union européenne (UE) veut sanctionner?
Publié: 06:26 heures
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Dernière mise à jour: 10:03 heures
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Emmanuel Macron a salué ce week-end les efforts du prince Albert de Monaco pour défendre les océans.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Monaco est un paradis. C’est du moins ce que s’efforcent de vendre les autorités de la principauté. Paradis pour les grandes fortunes. Paradis pour les vedettes sportives qui y élisent souvent domicile. Paradis touristique. Et paradis écologique puisque son souverain, le prince Albert II, est un défenseur infatigable de la cause des océans et du climat.

Mais quel est le prix de ce paradis? Et surtout, est-il possible pour l’Union européenne (UE), qui a tant traqué le secret bancaire suisse, d’accepter un paradis fiscal nommé Monaco? Cette question, Emmanuel Macron l’a éludée lors de sa visite officielle dans la principauté ce week-end, à la veille de l’ouverture lundi 9 juin de la grande conférence des Nations unies sur les océans.

Pays à haut risque

Problème: la Commission européenne est, elle, bien moins tolérante que le président de la République française. Bruxelles vient ces jours-ci d’informer les autorités monégasques de sa décision d’inscrire Monaco sur sa «liste des juridictions de pays tiers à haut risque». En clair: pas question de tolérer plus longtemps la présence d’oligarques trop heureux de trouver sur le rocher un abri pour leurs immenses fortunes, assorti d’une place dans le port pour leurs yachts. La principauté est un pays tiers non-membre de l’UE, arrimé au marché européen par son union douanière avec la France.

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Révélée par la publication confidentielle La Lettre, l’avertissement de la Commission est sans appel. Pour la direction générale «Fiscalité et Union douanière», Monaco présente «des insuffisances stratégiques dans ses dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme». Traduction: la principauté doit agir et faire preuve de transparence dans l’identification des ayants droit qui se cachent derrière les luxueux complexes immobiliers monégasques. Bruxelles a notamment dans le collimateur le nouveau quartier de Mareterra, six hectares bâtis sur la Méditerranée, inauguré le 4 décembre 2024 par le Prince Albert II. Le prix du mètre carré, à plus de 100'000 euros, y est le plus cher au monde.

A côté de la Corée du Nord

Si la Commission, puis le Parlement européen, mettent leurs menaces à exécution, Monaco se retrouvera sur la même liste noire que l’Afghanistan, la Corée du Nord, la Barbade et le Panama! Objectif avoué à Blick par les responsables bruxellois: «Eviter que Monaco devienne une nouvelle Suisse», en référence au combat mené pendant des décennies par les institutions communautaires contre le secret bancaire helvétique, qui a été abandonné par la Confédération il y a 15 ans, en mars 2009, en pleine crise financière. Selon La Lettre, les enquêteurs européens ciblent plusieurs affaires récentes de blanchiment, via un trafic de montres de luxe et une circulation «problématique de gros montants d’argent liquide». 

Si la principauté ne répond pas, sa réputation de sanctuaire pour la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation risque d’en souffrir. Monaco pourrait en effet devenir un pays «à haut risque LBC/TC» – acronyme en usage pour la «lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme». Aux pressions européennes pourraient alors s’ajouter des pressions de la justice française, afin d’endiguer les flux monétaires vers sa place financière, mais aussi sur le commerce de l’art et sur les commissaires-priseurs qui opèrent sur le Rocher.

L’affaire Bouvier

Ces dernières années, un homme a attiré la lumière des projecteurs internationaux sur les pratiques problématiques des autorités monégasques. Il s’agit du marchand d’art suisse Yves Bouvier, en lutte acharnée avec son ancien client, le milliardaire russe Dmitry Rybolovlev. Il y a quinze ans, Yves Bouvier avait été arrêté et mis en garde à vue à Monaco pendant 96 heures, après avoir été attiré dans la principauté par le président de l’AS Monaco. 

Le marchant d’art suisse avait dû payer une caution de 5 millions d’euros. Le 27 février 2025, la cour d’appel de Monaco a ordonné l’annulation de l’intégralité de la procédure pénale. Le procès choc qui devait opposer les deux hommes n’aura donc jamais lieu.

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