Plus qu’une menace, une certitude d’être la cible désignée: vendredi 11 juillet, le chef d’état-major des armées français a tiré un signal d’alarme sans précédent, à la veille du traditionnel défilé militaire de la fête nationale, le 14 juillet. Pour le général Thierry Burkhart, la France est le pays d’Europe de l’Ouest qui est le plus dans le collimateur de la Russie de Vladimir Poutine. Son «adversaire prioritaire» Plus grave: Moscou est déjà passé à l’acte, sous forme d’une guerre hybride dont le pays subit régulièrement les conséquences.
«La Russie a désigné la France comme son premier adversaire en Europe», a-t-il déclaré, en évoquant l’ampleur des risques encourus. «Moscou mène une guerre hybride contre l’Occident, faite de désinformation et de cyber attaques, d’actions dans l’espace et sous les mers… La Russie est une puissance militaire nucléaire et conventionnelle qui possède tous les attributs d’un État totalitaire: une capacité de décision centralisée, un conditionnement de la population», a ajouté le patron des armées françaises.
Menace durable et proche
Pour lui, l’Europe et la France sont visées par «une menace durable proche et dimensionnante qui pourrait devenir, l’horizon 2030, une vraie menace à nos frontières». Il suffit de regarder une carte pour comprendre que cela aurait des conséquences pour la Suisse. Une France attaquée par la Russie déstabiliserait l’ensemble de l’Europe.
La question est de savoir si cette menace régulièrement évoquée – mais en des termes moins directs – est crédible. Le fait de brandir ce risque à quelques jours de la parade militaire tricolore annuelle à Paris sur les Champs-Elysées, apparaît plutôt comme un script calculé pour mobiliser «l’esprit de défense». Le calendrier plaide aussi pour cette mobilisation: le 15 juillet, au lendemain de la fête nationale, le premier ministre doit annoncer des mesures budgétaires sans précédent, pour réaliser 40 milliards d’euros d’économies en 2026. Les armées seront, malgré cela, les seules à voir augmenter leur budget. «La Russie de Poutine est un bon moyen pour faire taire les opposants à un renforcement des capacités militaires juge un diplomate français. Face à une menace directe, on ne peut pas lésiner».
Poutine, ennemi numéro un
Et Vladimir Poutine? L’ironie est que le président russe, désormais présenté comme l’ennemi numéro un, vient de reprendre ses échanges téléphoniques avec Emmanuel Macron après deux années de silence mutuel. Le 1er juillet, les deux dirigeants ont parlé pendant près de deux heures du programme nucléaire iranien et de l’Ukraine. Leurs échanges doivent se poursuivre, selon leurs communiqués.
Alors, pourquoi alerter l’opinion sur le danger russe? Avant tout parce que cela sert la posture actuelle de Paris. La menace de Moscou permet de justifier les dépenses militaires. Elle est la raison principale du projet de force de réassurance européenne susceptible d’être déployée en Ukraine pour y garantir un cessez-le, comme viennent de nouveau de s’y engager à Londres le 11 juillet Emmanuel Macron et Keir Starmer. Elle permet enfin au président français de cogner politiquement sur la droite nationale-populiste qui, en plus, a dans le passé bénéficié de prêts en provenance de banques russes. Un sujet actuellement remis sur le devant de la scène par la perquisition au siège du Rassemblement national.
Pas menacée d’attaque directe
La réalité? La France n’est pas menacée de «se faire attaquer directement et lourdement sur le territoire national» a nuancé le chef d’état-major, mais la Russie a «beaucoup d’autres options». L’armée russe fait peser selon lui, peser une menace réelle sur le continent. Si la Russie parvient à faire fléchir la France dans son soutien à l’Ukraine, il y aura un «effet domino» prévient-il. Pas question donc de fléchir sur le soutien à Kiev, alors que des annonces de Donald Trump sont attendues lundi 14 juillet, et que la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine s’est tenue à Rome les 10 et 11 juillet. «Si point de sortie de la guerre en Ukraine est une victoire de la Russie, ce sera une défaite européenne».
Rendez-vous dimanche à Paris, lors de la traditionnelle réception du 13 juillet en l’honneur des armées. Emmanuel Macron devrait annoncer les conclusions qu’il tire de l’effondrement de l’ordre mondial. Dans un contexte où les caisses de l’État sont vides et où la société, est plus divisée que jamais.