C’est le paradoxe de la visite d’Etat au Royaume-Uni qu’Emmanuel Macron entame ce mardi 8 juillet à l’invitation du roi Charles III.
Durant trois jours, le président français et son épouse Brigitte auront droit à tout le faste protocolaire royal britannique, un honneur qu’aucun dirigeant étranger n’a pour l’heure obtenu depuis le début du règne du souverain, en septembre 2022. Mais entre les deux hommes qui s’apprécient, et qui parlent chacun la langue de l’autre, le roi n’est peut-être pas celui qu’on pense. En fin de second mandat en France, et dans l’impossibilité de se représenter à nouveau en 2027, Emmanuel Macron est en effet régulièrement accusé de se comporter comme un monarque républicain. Un reproche, il est vrai, adressé aussi à certains de ses prédécesseurs, notamment au général de Gaulle (1962-1969) et à François Mitterrand (1981-1995).
Un président roi?
Emmanuel Macron, président-roi? «L’expression 'monarque républicain' caractérise l’extension des pouvoirs du président de la République sous la Ve République», confirme le très documenté site web Vie publique, spécialisé sur les institutions. Et de citer, justement, De Gaulle et Mitterrand: «La stature du général de Gaulle, ses méthodes de gouvernement, que ses adversaires dénonçaient comme un pouvoir personnel, cadraient parfaitement avec l’image du monarque républicain. Ses successeurs n’ont pas échappé à cette critique, d’autant plus qu’ils ont parfois amplifié des pratiques inaugurées par le fondateur de la Ve République.» Mitterrand, lui, avait résumé l’affaire d’une phrase le 2 juillet 1981, trois mois après son élection: «Les institutions n’étaient pas faites à mon intention. Mais elles sont bien faites pour moi.»
L’actuel chef de l’Etat français, âgé de 47 ans, arrive au Royaume-Uni dans une situation particulière. Sur le plan institutionnel, il continue de disposer de tous les pouvoirs conférés par la constitution, et il vient de récupérer lundi 7 juillet celui de dissoudre l’Assemblée nationale, un an après la dissolution controversée du 9 juin 2024.
Charles III, sans pouvoirs
A l’inverse, Charles III n’a pas d’autres pouvoirs régaliens que celui de nommer le Premier ministre (imposé par le résultat des élections) et les Lords, et de décorer ses sujets des différents ordres de la couronne. Mais sur le plan de la proximité avec la population en revanche, le souverain britannique est sacrément en avance. A 75 ans, après une vie presque entière passée à attendre le trône et à seconder sa mère Elizabeth III à la fin de son très long règne (70 ans, 7 mois et deux jours), Charles III a 51% d’opinions favorables dans les sondages tandis que son invité français stagne entre 20 et 25%. Il n’est désormais plus relégué en seconde position derrière sa sœur, la princesse Anne, en termes de popularité.
L’autre différence entre ces deux «monarques» – l’un souverain, l’autre élu – est le tempérament. Même si son entourage a récemment laissé fuiter des informations sur son caractère «épouvantable», en particulier vis-à-vis de son fils cadet Harry avec lequel toute la famille est en froid, Charles III n’est plus perçu comme cassant ou arrogant. Depuis son accession au trône, sa réputation a évolué dans le bon sens.
Charles III, roi «woke»
«Comment classer Charles III? Est-il traditionnel ou woke? Généreux ou cupide? Humble ou arrogant? A la question, l’intéressé répondrait: «Mais pourquoi diable voulez-vous catégoriser les gens?», expliquait lors de la transition monarchique le journaliste Marc Roche, spécialiste de la maison royale. Pour Macron en revanche, l’accusation perdure, nourrie par sa décision de renvoyer les députés vers leurs électeurs il y a un an, et son refus d’accepter la défaite électorale qui en a résulté pour son camp.
Macron-Charles III: un sujet les rassemble, à savoir l’Europe. Le souverain britannique n’a jamais publiquement commenté le référendum du Brexit, le 23 juin 2016, et la décision de son pays de quitter l’Union européenne. Mais il n’a jamais cru à l’isolationnisme, et a toujours défendu, en particulier pour la défense de l’environnement, les institutions multilatérales. Emmanuel Macron, lui, est un fervent défenseur du projet communautaire. Il compte d’ailleurs bien éviter le leader national populiste Nigel Farage lors de son discours devant le parlement de Westminster, ce mardi. Il rencontrera en revanche le leader de l’opposition conservatrice.
L’Europe en toile de fond
Motif, en plus de leurs désaccords sur l’Europe: le refus de Macron de rouvrir le débat sur les migrants, obsession de Farage et de son parti. Lequel ne décolère pas: «Il s’agit d’un refus scandaleux et délibéré a déclaré lundi un adjoint de Nigel Farage. Si Macron était sûr de sa gestion de la question des petits bateaux, il aurait accepté cette rencontre».
Sous-entendu: ce président français n’est pas démocrate. Il se comporte comme un mauvais monarque…