Donald Trump déteste qu’un autre dirigeant lui vole la lumière. Il vient donc, après avoir quitté prématurément le sommet du G7 à Kananaskis, au Canada, de le faire savoir à Emmanuel Macron. «Le président de la France, pour se faire de la publicité, a dit par erreur que j’avais quitté le sommet du G7 au Canada pour retourner à Washington pour travailler à un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran. Faux! Il n’en a aucune idée» a tonné lundi soir le locataire de la Maison Blanche, pressé de retrouver son bureau ovale.
Pourquoi s’en prendre ainsi à Emmanuel Macron? Parce que le président français fait à la fois une très bonne victime et un très bon bouc émissaire.
Victime et bouc émissaire
Victime? Parce qu’Emmanuel Macron, incapable jusque-là de solidariser les Européens pour une action conjointe déterminante en Ukraine malgré ses tentatives répétées, s’apprête à connaitre la semaine prochaine un délicat sommet de l’OTAN à La Haye (Pays-Bas) les 24 et 25 juin. Trump sait donc que son jeune homologue (30 ans les séparent) ne va pas se cabrer. Macron vend toujours à l’opinion française le fait qu’il est l’un des seuls à pouvoir faire entendre raison à l’ancien promoteur immobilier. Même si rien de tangible ne le démontre.
Bouc émissaire? Parce que Macron, ce président qui «always get it wrong» (qui «se trompe toujours» ou «qui est à côté de la plaque») représente tout ce que l’électorat trumpiste déteste, et que les conseillers de Trump exècrent: cette élite européenne «arrogante» qui continue de faire la leçon aux Etats-Unis alors que le jeu lui échappe, et que les circonstances lui sont plus que défavorables. Ecrire, comme l’a fait Donald Trump lundi sur son réseau Truth Social que «volontairement ou pas, Emmanuel ne comprend jamais rien» revient à signifier que la France est hors-jeu, comme le reste des pays européens, dans le conflit entre Israël et l’Iran. Traduisez: Macron ne comprend rien parce qu’il n’a pas en main les bonnes cartes sur ce dossier.
Le Canada, protégé par la France
Deux autres éléments s’ajoutent et ils pèsent lourds. Le premier est le contexte de ce sommet du G7. Il se déroule au Canada, dans les montagnes rocheuses, alors que Trump envisage toujours de transformer son voisin en 51e Etat. Or Emmanuel Macron a toujours soutenu le Canada dans son refus de se soumettre à l’appétit de l’ogre Trump.
Pire: il s’est arrêté au Groenland également convoité par Trump avant de se rendre au G7. Idem sur le Proche-Orient avec la reconnaissance à venir de l’Etat de Palestine par la France: pour Trump, Macron défie les Etats-Unis en envisageant ce pas diplomatique historique. Toutes les occasions sont donc bonnes pour lui rappeler qu’il en subira les conséquences, ce que répète sans cesse le premier ministre israélien.
La jalousie de Trump
Deuxième élément: Trump est de longue date jaloux. Emmanuel Macron est l’un des rares dirigeants internationaux à lui voler la vedette. Même s’il soutient Israël dans le conflit contre l’Iran, le président français a la cote au sein des pays émergents dans lesquels les groupes industriels tricolores se battent avec leurs concurrents américains pour décrocher de juteux contrats.
Trump est aussi énervé de voir qu’au salon aéronautique du Bourget qui se tient cette semaine, les commandes affluent vers Airbus ou Dassault, alors que Boeing demeure en rade. Taper sur le chef de l’Etat français est donc aussi un signal envoyé aux alliés de ce dernier: ne lui faites pas trop confiance, il ne sait pas ce qu’il dit. Du moins, tant que je ne l’y ai pas autorisé…