Après la honte du cambriolage du 19 octobre, réalisé par des «amateurs» à l’aide d’un monte-charge de déménageurs, la colère des visiteurs face à la grève du personnel et l’apparente incapacité de la direction à tirer toutes les leçons de ses échecs répétés, dire que le musée du Louvre, à Paris, est en crise relève aujourd’hui de l’évidence. Lundi 15 décembre, les visiteurs qui se pressaient dès le matin à l’entrée de sa fameuse pyramide de verre ont été refoulés.
Place aux employés en colère, avec bannières et slogans, pour exiger une transformation radicale de cet établissement, symbole de la France et de son rayonnement culturel, qui reçoit chaque année plus de neuf millions de personnes. Les portes devraient néanmoins rouvrir ce mercredi.
Une grève en réponse à la polémique engendrée par le vol des bijoux de l’empereur Napoléon III et de son épouse, l’impératrice Eugénie? Seule la France, sans doute, peut offrir ce spectacle social. La directrice du Louvre, Laurence des Cars, est toujours en poste malgré plusieurs rapports successifs accablants sur les négligences en matière de sécurité et de mauvais investissements, tous concentrés sur certains départements et sur le rayonnement du musée à l’international, plutôt que sur son entretien.
Dernier clou dans le cercueil
Le dernier clou dans le cercueil réputationnel du Louvre a été planté par un rapport rendu public ces jours-ci et par l’audition au Sénat français des rapporteurs de l’Inspection générale des affaires culturelles sur le vol survenu dans la galerie Apollon. Pour les sénateurs, «les conclusions de ces travaux sont d’une grande sévérité et, d’une certaine manière, implacables.
A rebours des éléments avancés devant notre commission par la présidente-directrice du Louvre, elles pointent la défaillance générale du musée comme de sa tutelle dans la prise en compte des enjeux de sûreté». Défaillance générale: c’est exactement ce que dénoncent les syndicats…
Et les visiteurs là-dedans? Ils paient les pots cassés de ce cauchemar français, alors que les bijoux volés, estimés à huit millions d’euros sur le marché clandestin, n’ont toujours pas été retrouvés malgré l’arrestation et la mise en examen de tous les membres du commando du 19 octobre.
Un commando dont même le «New York Times» a dressé le portrait, s’attardant sur son leader, un petit caïd de banlieue réputé pour ses rodéos à moto, avant de s’en prendre au plus grand musée du monde, qui abrite notamment la Joconde de Léonard de Vinci. Le dernier membre de l’équipe de braqueurs présumés a été mis en examen le vendredi 28 novembre, puis incarcéré.
La grève pour faire pression
La grève comme ultime moyen de faire pression? Environ 2100 personnes travaillent quotidiennement au Louvre, dont 1150 agents de surveillance. Or les rapports successifs de la Cour des comptes et de l’inspection administrative démontrent d’amples problèmes en matière d’affectation des gardiens dans les différentes salles.
Selon l’une des enquêtes, le cambriolage du 19 octobre a été rendu possible par l’absence de gardiens, à ce moment précis, dans la galerie où étaient entreposés les bijoux. Cela s’est joué à une trentaine de secondes. La question des complicités internes est bien sûr au centre des investigations, mais aucune annonce officielle n’a été faite par la police, qui concentre ses recherches sur les bijoux, lesquels pourraient avoir été démantelés et revendus «à la casse» via des joailliers complices.
Le pire est l’impression de mensonge. Selon les sénateurs, la directrice du Louvre a menti devant leur commission lors de son audition du 22 octobre en évoquant une série de malchances. «Ce n’est pas un échec fortuit dû à l’accumulation d’un manque de chance, mais bien à des décisions qui n’ont pas été prises pour assurer la sécurité», ont asséné les parlementaires, qui contredisent l’affirmation de Laurence des Cars selon laquelle «la sécurité était une urgence absolue».
Le rapport en préparation n’a toujours pas été diffusé. Mais l’on sait déjà qu’il confirme que la porte-fenêtre de la galerie d’Apollon, par laquelle sont passés les cambrioleurs, était «mal sécurisée». Si l’alarme s’est bien déclenchée, contrairement aux hypothèses qui ont circulé au tout début, le «renforcement mécanique» n’avait pas été réalisé, et «le temps de résistance du verre de la fenêtre a été extrêmement faible», malgré plusieurs avertissements à l’issue de visites d’inspection.
Bâtiment vétuste, travaux inachevés, effondrement d’un plafond et même un dégât des eaux… Lors de leur assemblée générale de ce lundi 15 décembre 2025, les employés ont multiplié les exemples du délabrement du Louvre. Un délabrement qui, aujourd’hui, se heurte à une réalité française: le manque généralisé de budget et la paralysie d’un gouvernement en pleine négociation sur la loi de finances 2026. La réouverture est attendue pour ce mercredi 17 décembre.