Les bijoux pas retrouvés
Cambriolage du Louvre: nouveau rapport, nouveau scandale

L'arrestation de quatre nouveaux suspects pour le cambriolage du Louvre cache mal l'embarras maximal des autorités françaises depuis le vol spectaculaire du 19 octobre. Un rapport de 2018 mettait déjà en cause la sécurité.
Publié: 25.11.2025 à 20:33 heures
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Dernière mise à jour: 09:00 heures
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C'est avec un monte charge dérobé en banlieue parisienne que les casseurs du Louvre ont pénétré dans la galerie Apollon en plein jour, dimanche 19 octobre.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

La police française l’affirme: les cambrioleurs du Louvre sont a priori tous identifiés après l’interpellation de quatre nouveaux suspects ce 25 novembre, dont un prés de Laval (Mayenne). Le dimanche 19 octobre, quatre individus, dont deux postés en bas du plus grand musée du monde, avec deux scooters utilisés pour s’enfuir, avaient réussi le casse du siècle dans l’enceinte du musée le plus fréquenté du monde.

Un mois plus tard: le ratissage policier a été large. Soixante personnes étaient dans le radar des enquêteurs. Deux hommes et une femme ont déjà été mis en examen et placés en détention provisoire.

Le problème est que ce succès policier cache mal une série de bévues XXL révélées depuis le cambriolage. Et qu’il est difficile pour les enquêteurs mobilisés d’admettre l’évidence: les bijoux volés, d’une valeur officielle de 88 millions d’euros – leur valeur à la revente serait dix fois inférieure – pourraient ne jamais être localisés. Point important toutefois: la confirmation de l’ancrage géographique parisien de tous les suspects. Parmi les quatre nouveaux interpellés figurent deux hommes âgés de 38 et 39 ans et deux femmes âgées de 31 et 40 ans, tous originaires des environs de la capitale française. Ce qui accrédite l’idée d’un casse commis par une bande de voyous audacieux, mais a priori pas commandité par un réseau international de haute volée. La plupart des interpellations ont été permises grâce aux traces d’ADN laissées sur place par les cambrioleurs.

Premier scandale

Le premier scandale, que les policiers essaient d’étouffer, est le manque de réactivité des équipes de sécurité placées aux abords du Palais du Louvre ce dimanche 19 octobre. La version officielle dit que tous les signaux d’alarme ont fonctionné. Mais l’identité de l’un des cambrioleurs laisse pantois. Surnommé «Doudou Cross Bitume», celui-ci, considéré comme le chef potentiel du gang, a même fait l’objet d’un portrait dans le «New York Times». L’homme a grandi à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, à trente minutes de scooter du Louvre. Petit délinquant, il est devenu, dans les années 2000, une star des réseaux sociaux grâce à ses vidéos de moto.

Le voir s’attaquer au Louvre, sans qu’aucune information préalable n’ait mis les policiers en alerte, démontre que leur vigilance était au plus bas. A l’évidence, la thèse d’un possible cambriolage par l’extérieur, grâce à un monte-charge, comme cela a été fait, n’était pas dans leur radar. On comprend l’amertume des policiers de la BRB (Brigade de répression du banditisme, au sein de la préfecture de police de Paris), et de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic de biens culturels), chargés ensemble de cette affaire.

Mauvais choix du musée

La deuxième controverse porte sur les investissements massifs effectués par la direction du musée… sauf pour la sécurité. Le magazine spécialisé «La Tribune de l’art» s’est procuré ainsi un rapport ancien «confidentiel», daté de 2017. Il répondait à un audit «sûreté» demandé par l’établissement public du musée du Louvre. Or plusieurs recommandations faites dans ce rapport n’ont jamais été prises en compte. Pire, dans plusieurs articles publiés par «Le Monde» et par le journaliste d'investigation Marc Endeweld sur Substack, la débacle sécuritaire du musée apparait totale et ancienne. «Selon nos informations, un audit de sécurité mené en 2018 avait mentionné très précisément le balcon utilisé par les cambrioleurs, et même évoqué l’usage d’un monte-charge» révèle Le Monde. Autant dire que les cambrioleurs disposaient presque d'un mode d'emploi...

«La justice parisienne, saisie du casse, n’a pas eu, à ce jour, connaissance de ce rapport, qui pourrait pourtant ouvrir une nouvelle piste aux enquêteurs sur de possibles commanditaires ayant bénéficié de la fuite de ce document» complète «Le Monde». Tandis que «La Tribune de l'art» liste les reproches adressés à la direction du Louvre voici sept ans: pas de décision concernant les «graves dysfonctionnements» du poste central de sécurité. Pas d’intervention non plus pour améliorer «les dispositifs techniques de protection du site, intérieurs et extérieurs (protection mécanique, vidéosurveillance, détection électronique et contrôle d’accès)».

«Les dispositifs sont en majorité inadaptés et ne répondent à aucune cohérence globale; les technologies sont vieillissantes et connaissent régulièrement des dysfonctionnements techniques (ex: déclenchements d’alarmes réguliers qui monopolisent les PC et les équipes d’intervention); des carences ont été constatées dans certaines zones (ex: Objets d’art)» déplorait le rapport en soulignant l’insuffisance du parc de vidéo surveillance.

Audit accablant

Cet audit accablant rend d’autant plus problématique, pour la direction du Louvre, le contenu d’un second rapport: celui publié début novembre par la Cour des comptes. Les magistrats de l’institution estiment que le musée dispose d’une «trésorerie extrêmement solide», mais qu’il a privilégié «les opérations visibles et attractives» au détriment des urgences techniques. Attention: il ne s’agit pas d’un audit sécuritaire. Mais la charge est sévère: «Le problème du Louvre ne provient pas de l’attrition de ses moyens. Le problème est ailleurs, c’est celui de l’orientation de ses objectifs», a expliqué le président de la Cour, Pierre Moscovici. En conséquence, le musée a accumulé «un retard considérable» dans la remise aux normes de ses installations techniques.

Conclusion de la Cour des comptes: «Le vol des joyaux de la Couronne est, à n’en pas douter, un signal d’alarme assourdissant.» Une alarme que, cette fois, plus personne ne peut ignorer.

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