Paris a peur. Une peur qui contraste sacrément avec le déploiement de forces pour la traditionnelle parade militaire du 14 juillet. Peur des émeutes nocturnes, lorsque le feu d’artifice sera tiré au pied de la tour Eiffel. Mais aussi peur des pillages et des attentats, au lendemain de l’avertissement très martial d’Emmanuel Macron selon lequel «la liberté en Europe n’a jamais été aussi menacée depuis 1945».
Conséquence: un déploiement de forces de l’ordre inédit. 15'000 policiers quadrilleront cette nuit la capitale française, et 65'000 seront déployés dans tout le pays. Lors de l’ouverture des Jeux Olympiques de l’été 2024, le 26 juillet, ils étaient 40'000 dans les rues de Paris! Il y en aura donc deux fois moins, mais il n’y aura pas d’installations à sécuriser. Autant dire que, toutes proportions gardées, le déploiement de forces est assez comparable.
Le chaos du 31 mai
Logique. L’exemple du 31 mai, après la victoire du Paris Saint-Germain en coupe d’Europe contre l’Inter de Milan, puis celui de la Fête de la musique le 21 juin, a prouvé combien tout peut dérailler très vite dans cette ville qui connaît ces temps-ci une affluence touristique record. 26 millions de visiteurs étrangers sont passés par Paris en 2024, et l’on évoque cette année le chiffre record de 30 millions.
Le lieu le plus emblématique sera les Champs-Elysées, cette avenue sur laquelle ont défilé ce matin 7000 soldats de l’armée française, et près de 500 militaires indonésiens, dont le pays était l’invité d’honneur de l’édition 2025. Ce 13 juillet, à la veille du défilé militaire, toute manifestation y a été interdite. Qu’en sera-t-il cette nuit, où l’on attend près d’un million de personnes sur le pavé? Le plus probable est que la police, contrairement à ce qui s’est passé le 31 mai dernier après la victoire du PSG, déploiera ses moyens devant les magasins de luxe, telle une barricade de protection, pour éviter tout pillage.
Il y a un an, les JO
Quels sont les risques pour ce 14 juillet qui, voici un an, avait été éclipsé par l’ouverture prochaine des JO? Rappelons que les quartiers centraux de Paris étaient alors couverts de grillages et de barrières de sécurité, en vue de la cérémonie d’ouverture sur la Seine. Il était donc très difficile pour des émeutiers de mener des actions coups de poing et de s’en prendre aux bâtiments et biens publics, comme cela est malheureusement devenu le cas à chaque fois que la tension monte.
Le premier risque est celui des bandes de casseurs, souvent venus de l’extérieur de la capitale. Et pas seulement à Paris. En 2023, 255 véhicules avaient été incendiés dans la nuit contre 423 en 2022. 96 personnes avaient été interpellées. Sept policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers avaient été blessés (ils étaient 21 l’année dernière).
L’une des craintes de la police est l’utilisation de mortiers d’artifice, pourtant interdits à la vente aux particuliers. Selon France Info, près de 10'000 mortiers d’artifice ont déjà été saisis ces derniers jours, souvent achetés à l’étranger, notamment dans les pays d’Europe de l’est, puis acheminés en France par des livreurs. Une brigade numérique de la police est chargée de surveiller le commerce en ligne de ces pétards et autres fusées d’artifices.
Attentat islamiste et menace russe
Deuxième risque: celui d’un attentat, dans un pays qui demeure à la fois la cible des groupes terroristes islamistes, et de puissances comme la Russie, si l’on en croit les annonces faites le 12 juillet par le chef d’état-major Thierry Burkhard lors d’une conférence de presse.
Le 14 juillet 2016, un camion fou lancé sur la promenade des Anglais, à Nice, avait fait 86 morts et 458 blessés, transformant la fête nationale en journée de deuil pour le pays entier, moins d’un an après les attentats du 13 novembre 2015. En juin 2024, la cour d’appel a condamné de nouveau à 18 ans de prison, les deux complices de l’auteur de la tuerie de masse: Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien tué par les forces de l’ordre.
Troisième risque enfin: les mouvements de foule meurtriers. Et les actes susceptibles de semer la panique comme la prolifération de piqûres dénoncées par les femmes le 31 mai. En juillet 2024 déjà, pour l’ouverture des JO, un sondage de l’institut Odoxa indiquait que 40% des Français redoutaient un kamikaze. 31% redoutaient un mouvement de foule, 26% une attaque à l’arme blanche, 15% un tireur qui viserait le public posté sur les bords du fleuve, 11% une attaque par drone, 10% un colis piégé. Seuls 20% des Français interrogés affirmaient «n’avoir pas peur». A charge, pour les 65'000 policiers déployés cette nuit, de rassurer les 80% restants…