Un épisode de tension diplomatique entre la Chine et le Japon, déclenché par des propos de la Première ministre nippone Sanae Takaichi sur Taïwan, a mis en lumière la fragilité des relations politiques entre les deux premières économies d'Asie.
Ces voisins, qui sont d'importants partenaires commerciaux, entretiennent des différends historiques et territoriaux, tandis que la question de Taïwan devient plus sensible. Quels sont les différents points de tensions entre les deux puissances?
Contentieux historique
La Chine a été l'une des grandes victimes de l'expansionnisme japonais en Asie-Pacifique entre la fin du XIXe siècle et 1945. L'armée japonaise a commis des atrocités après son invasion de la Chine dans les années 1930, dont l'épisode le plus connu est le massacre de Nankin en 1937, qui selon les historiens chinois a fait plus de 300'000 morts, et d'innombrables exactions. Bien que les relations diplomatiques entre les deux pays se soient normalisées en 1972, les tensions historiques continuent de peser sur leurs rapports.
Des dizaines de milliers de Chinois avaient ainsi manifesté en 2005 pour dénoncer le «révisionnisme nippon», une crise en partie provoquée par la modification au Japon de manuels scolaires d'histoire. Sanae Takaichi ne s'est pas exprimée publiquement sur le massacre de Nankin depuis son arrivée au pouvoir, mais dans un post de blog de 2004, elle avait remis en question le bilan officiel chinois de 300'000 morts.
Avant de prendre ses fonctions le 21 octobre, elle était considérée comme une ultraconservatrice, un «faucon» à l'égard de Pékin et elle se rendait régulièrement au sanctuaire Shinto de Yasukuni, qui honore notamment plusieurs criminels de guerre de la Seconde Guerre mondiale. La Chine qualifie de telles visites de «provocations graves».
Différends territoriaux
Un autre point de crispation concerne un différend territorial autour d'îlots inhabités en mer de Chine orientale, appelés Senkaku par Tokyo – qui les administre – et Diaoyu par Pékin. Les deux pays revendiquent tous deux leur souveraineté sur ce territoire présentant un intérêt à la fois économique et stratégique.
Les incursions de bateaux chinois, civils comme militaires, se sont intensifiées depuis quelques années près de ces îlots, des actions systématiquement condamnées par Tokyo. Dimanche, des navires des garde-côtes chinois ont passé plusieurs heures dans les eaux territoriales japonaises autour des îles, selon le secrétaire général du gouvernement japonais, Minoru Kihara. Par ailleurs, deux porte-avions chinois ont été aperçus opérant dans le Pacifique pour la première fois plus tôt cette année, Tokyo estimant que cette manoeuvre révélait une intensification des activités militaires de Pékin.
Alliances
Le Japon est un proche allié des Etats-Unis depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L'archipel héberge de nombreuses bases militaires américaines, notamment à Okinawa, proche de la Chine et de Taïwan. Cela nourrit la conviction de la Chine selon laquelle les Etats-Unis veulent l'«encercler» et la «contenir». Les tensions entre la Chine et d'autres pays revendiquant des parties des mers de Chine orientale et méridionale ont également poussé le Japon à renforcer ses liens avec les Philippines. Lors de la visite du président américain Donald Trump à Tokyo le mois dernier, Sanae Takaichi a promis un «nouvel âge d'or» des relations avec Washington.
Taïwan
Au coeur du récent regain de tension sino-japonais, Sanae Takaichi a déclaré le 7 octobre que si «une situation d'urgence» à Taïwan impliquait «le déploiement de navires de guerre et le recours à la force, cela pourrait constituer une menace pour la survie du Japon».
Des propos interprétés comme l'indication qu'une attaque contre Taïwan – territoire dont Pékin revendique la souveraineté – pourrait justifier un soutien militaire de Tokyo à Taipei. Un diplomate chinois en poste au Japon a menacé par la suite de «couper cette sale tête sans la moindre hésitation» en citant un article de presse relatant l'intervention de Sanae Takaichi.
Pékin a ensuite appelé ses ressortissants à éviter de se rendre au Japon, affirmant aussi que la sécurité des étudiants chinois y était menacée.
La Chine a déjà organisé des manoeuvres militaires autour de Taïwan, qui a été une colonie japonaise pendant un demi-siècle jusqu'en 1945, y compris des tirs de missiles.
Commerce et tourisme
Les deux premières économies d'Asie sont néanmoins étroitement liées, la Chine étant le premier partenaire commercial de Tokyo et l'un des principaux pays d'investissement pour les entreprises nippones. Les deux voisins échangent chaque année pour plusieurs centaines de milliards de dollars.
La Chine est également la première source de touristes au Japon, avec près de 7,5 millions de visiteurs entre janvier et septembre 2025, selon le Bureau national japonais du tourisme.
Au troisième trimestre, ces touristes ont dépensé 590 milliards de yens (3,28 milliards d'euros), soit 28% des dépenses totales des touristes étrangers, selon le ministère des Transports.