Combat polonais et hongrois
La fronde de Varsovie et Budapest empoisonne le sommet européen

Le sommet des 27 a été jeudi et vendredi le théâtre d'un «combat» des dirigeants polonais et hongrois contre un système imposant une solidarité entre Etats dans l'accueil des requérants d'asile. Cette hostilité n'a toutefois pas fait dérailler la réforme en cours.
Publié: 30.06.2023 à 19:01 heures
"Vingt-cinq pays sont mobilisés pour soutenir le processus, deux pays ont marqué leur désapprobation", a résumé le président du Conseil européen Charles Michel à l'issue de la réunion à Bruxelles.
Photo: OLIVIER HOSLET

L'opposition des dirigeants nationalistes polonais Mateusz Morawiecki et hongrois Viktor Orban a empêché l'adoption de conclusions communes sur le sujet de la migration à l'issue du sommet.

De longues heures de négociations et les tentatives de conciliation de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni n'ont pas convaincu les deux récalcitrants. Faute d'accord des Vingt-Sept, la déclaration finale sur la migration a été rédigée au nom de Charles Michel seulement, et mentionne les griefs des deux dirigeants.

Pologne et Hongrie s'opposent à un accord conclu à la majorité qualifiée le 8 juin entre les ministres de l'Intérieur de l'UE, qui prévoit notamment un système de solidarité obligatoire mais «flexible» entre pays de l'UE dans la prise en charge des demandeurs d'asile, une percée sur un dossier bloqué depuis des années.

L'accord trouvé le 8 juin à Luxembourg, encore préliminaire car il doit désormais être négocié avec le Parlement européen, prévoit que les Etats membres seraient tenus d'accueillir un certain nombre de demandeurs arrivés dans un pays de l'UE soumis à une pression migratoire, ou à défaut d'apporter une contribution financière, équivalente à 20'000 euros pour chaque réfugié non relocalisé.

«Inacceptable», pour Viktor Orban: «nous étions convenus auparavant à plusieurs reprises que, comme la question de la migration nous divise profondément, nous ne pouvions accepter de règle que si nous sommes tous d'accord, c'est-à-dire s'il y a une décision unanime», a-t-il expliqué vendredi, affirmant mener «un combat pour la liberté».

Même son de cloche du côté du Polonais Mateusz Morawiecki, qui a expliqué avoir refusé d'endosser les conclusions finales sur la migration face au refus des autres pays d'y inscrire le caractère non obligatoire des relocalisations.

Il a invoqué les violences urbaines en France pour justifier la politique anti-immigration menée par son gouvernement : «rassemblons ces deux images (...): d'un côté celle de la banlieue parisienne d'aujourd'hui, des grandes émeutes, des pillages dans les magasins, des vitres brisées, des voitures en feu et (de l'autre côté celle) des villes, des villages polonais tranquilles. L'image que nous défendons est évidente. La Pologne a opté pour la sécurité, la paix et l'ordre public».

La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, dont le pays est en première ligne avec la Grèce, s'est toutefois dite «très satisfaite» à l'issue du sommet.

«La Hongrie et la Pologne ne sont pas d'accord avec le pacte migratoire. Nous n'arriverons jamais au consensus sur la dimension interne», c'est-à-dire la solidarité entre Etats membres dans l'accueil des demandeurs d'asile, a-t-elle indiqué.

«La seule chose sur laquelle nous pouvons avoir un consensus est un travail commun sur la dimension extérieure», c'est-à-dire la coopération avec les pays d'origine et de transit des migrants, a-t-elle ajouté.

«Et je pense que nous faisons de gros progrès» sur ce point, a-t-elle dit, évoquant des négociations entre l'UE et la Tunisie.

La question de la répartition des demandeurs d'asile arrivés dans l'UE reste un sujet de crispation pour la Pologne et la Hongrie, qui avaient déjà refusé les quotas de réfugiés décidés après la crise de 2015-2016.

L'accord trouvé le 8 juin à Luxembourg oblige aussi les pays membres à créer des centres aux frontières extérieures de l'UE (frontières terrestres ou aéroports notamment) pour les migrants ayant peu de chances statistiquement d'obtenir l'asile, afin de faciliter leur renvoi vers leur pays d'origine.

La Pologne et la Hongrie avaient voté contre la proposition, tandis que quatre pays s'étaient abstenus. La présidence suédoise du Conseil de l'UE avait décidé d'opter pour un vote à la majorité qualifiée (requérant un vote favorable de 15 pays sur 27, représentant au moins 65% de la population totale de l'UE), comme prévu par les traités en matière de migration.

Le texte avait été adopté après des concessions faites notamment à l'Italie, et aucun autre pays n'a exprimé l'intention de revenir dessus.

Varsovie, comme Budapest, s'appuie sur de précédentes conclusions de sommets européens, en 2016, 2018 et 2019, pour réclamer que les décisions sur un dossier sensible comme la migration soient prises à l'unanimité.

(ATS)

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