Pékin montre ses muscles. Des images satellites révèlent comment les Chinois construisent à toute vitesse de nouvelles usines de missiles. Ils viennent en outre de mettre en service leur premier porte-avions «Fujian», entièrement conçu par leurs soins. CNN parle d'une «nouvelle course aux armements».
L'évolution est inquiétante. D'ici dix ans, le deuxième pays le plus peuplé devrait disposer d'une «armée de classe mondiale». La question angoissante est la suivante: que préparent les Chinois avec cette offensive d'armement? Il devrait s'agir de bien plus qu'une simple dissuasion et de la reconquête de Taïwan.
La nouvelle fierté de Pékin
Le «Fujian», long de 316 mètres et large de 75 mètres, est la nouvelle fierté de la marine chinoise, déjà très puissante jusqu'à présent. Il s'agit du plus grand porte-avions construit en dehors des Etats-Unis et du troisième de l'Armée populaire de libération. Ce navire ultramoderne transporte entre autres le nouveau chasseur furtif J-35, le J-15T modernisé et l'avion de surveillance à hélice KJ-600.
Ce qui surprend les experts occidentaux, c'est que le «Fujian» dispose de catapultes ultramodernes à propulsion électromagnétique. Les avions de combat lourds peuvent ainsi être envoyés plus efficacement et avec une vitesse de décollage plus élevée.
Augmentation massive de la production de missiles
Dans les airs aussi, les Chinois s'équipent. Depuis 2020, ils ont agrandi plus de 60% de leurs 136 usines de missiles. C'est ce qu'a constaté CNN dans le cadre d'une recherche qui a examiné des images satellites et des cartes. On y verrait ainsi de nouvelles tours, des bunkers et des remparts qui auraient en partie supplanté des villages et des terres agricoles. L'accent est mis sur le développement des missiles hypersoniques.
L'institut de recherche sur la paix Sipri de Stockholm rapporte en outre que la Chine a commencé à construire environ 100 nouvelles têtes nucléaires par an. D'ici 2030, le pays devrait disposer d'environ 1000 armes de destruction de ce type.
Pas seulement de la dissuasion
Zeno Leoni, spécialiste de la Chine et de la sécurité au King's College de Londres, estime que «la modernisation militaire rapide de la Chine reflète en premier lieu une stratégie de dissuasion et d'influence plutôt qu'une stratégie de conquête immédiate».
Mais il s'agit également, selon lui, de se réunifier avec Taïwan. «Le réarmement vise également à maintenir une ligne de défense autour de la mer de Chine méridionale afin de tenir l'adversaire à distance», explique Zeno Leoni dans un entretien avec Blick. Un adversaire? Bien sûr, il s'agit avant tout des Etats-Unis, qui ont fait une promesse de sécurité à Taiwan.
D'autres objectifs en ligne de mire
Certes, la Chine se présente officiellement comme une puissance défensive qui donne la priorité à la stabilité économique. Pourtant, selon Simona A. Grano, spécialiste de la Chine à l'Université de Zurich, le développement militaire et l'approche stratégique montrent une composante de plus en plus offensive.
«Il est envisageable que la Chine, avec une marine opérant à l'échelle mondiale et un vaste arsenal de missiles, fasse valoir d'autres revendications de puissance dans le Pacifique, voire dans le monde entier», explique Simona A. Grano à Blick. Elle cite comme exemple l'île stratégique de Guam, qui appartient aux Etats-Unis. Mais la Chine a également des vues sur les ressources de l'Arctique.
«A prendre très au sérieux»
A cela s'ajoutent, selon Jérôme Gapany, chercheur à l'Académie militaire de l'EPF, d'autres «zones contestées et sensibles». Des signes en seraient les exercices militaires et les patrouilles menées à leur proximité dans le Pacifique occidental. «Mais la construction de nouvelles îles ainsi que l'extension des régions côtières contribuent également à renforcer la projection de puissance de la Chine», explique Jérôme Gapany à Blick.
Enfin, il s'agit également pour la Chine de se positionner comme nouvelle force de médiation et comme garante de la sécurité globale. Selon Jérôme Gapany,«avec le développement actuel, la Chine veut se remettre sur un pied d'égalité avec les superpuissances mondiales».
Toutefois, seul le gouvernement de Pékin sait ce que la Chine a réellement en tête avec son réarmement. Jérôme Gapany déclare: «Les derniers développements doivent en tout cas être pris très au sérieux.»