Le vent a tourné en Ukraine. Alors que les forces armées de Volodymyr Zelensky avaient lancé une offensive l'année dernière, elles se voient aujourd'hui contraintes d'être sur la défensive – la contre-offensive n'ayant pas été aussi fructueuse que prévu. Ce sont désormais les Russes qui semblent prendre l'avantage.
Les troupes de Vladimir Poutine sont à l'affût. «Ce qui se passe actuellement est ce à quoi la Russie s'est préparée depuis longtemps. Ils ont rassemblé suffisamment de forces et de ressources pour faire pression sur plusieurs axes en même temps», cite le «Wall Street Journal», qui rapporte les dires du commandant adjoint de la 3e brigade d'assaut d'Ukraine, Maksym Zhorin.
L'escouade jouit d'une bonne réputation, elle a participé à la défense de la ville d'Avdiïvka, mais a dû se retirer le mois dernier. Pour le commandant, il est clair qu'il y aura une offensive russe au printemps.
Des pelleteuses creusent des tranchées
L'Ukraine s'y prépare. «Après l'incapacité des forces armées ukrainiennes à modifier le cours du front avec leur propre offensive et à conquérir les territoires occupés par les Russes, le pays s'est tourné vers la stratégie de la 'défense active'», explique à Blick l'expert autrichien de la Russie Gerhard Mangott. Le plan: renforcer les lignes de défense pour stopper les Russes.
A l'ouest d'Avdiïvka, des pelleteuses, plus habituées aux chantiers qu'aux champs de bataille, creusent des tranchées. Elles tentent d'imiter les obstacles que la Russie a créés il y a plus d'un an pour faire échouer l'offensive des Ukrainiens l'été dernier. Ailleurs, les soldats creusent les tranchées à la pelle et sous les tirs, raconte Maksym Zhorin.
La défense développée trop tard
Depuis novembre, la campagne de construction d'un vaste réseau de fortifications est en cours. «Nous devons nous engager sur tous les fronts importants et accélérer le rythme de construction, déclarait alors le président ukrainien Volodymyr Zelensky. La priorité est évidente.»
Pour Gerhard Mangott et d'autres experts, l'Ukraine a commencé trop tard à mettre en place une bonne défense. Le manque de matériel et de personnel aggrave la situation. Dans la région de Donetsk, le problème est saillant, explique l'expert russe. Les troupes de Poutine ont pu s'emparer de la ville d'Avdiïvka et continuent d'avancer.
L'Ukraine manque de temps
Lorsque les forces ukrainiennes ont lancé leur offensive l'été dernier, elles se sont rapidement heurtées à un réseau complexe d'obstacles que la Russie avait préparés pendant des mois. La principale ceinture de défense était constituée de tranchées de tirs et de chars à plusieurs niveaux, de blocs de béton et de vastes champs de mines presque impossibles à traverser. La défense ukrainienne est en revanche lacunaire, affirme un haut représentant de l'OTAN dans le rapport du «Wall Street Journal».
Ces dernières semaines, les troupes de Poutine ont fait des progrès. Elles avancent dans l'est de l'Ukraine, jetant des milliers d'hommes dans la bataille pour repousser l'armée ukrainienne. Ce faisant, elles laissent à peine le temps aux Ukrainiens de mettre en place des lignes de défense solides. A chaque avancée russe, ils doivent se replier sur des positions souvent mal préparées.
Les retraits stratégiques font partie des manœuvres de combat les plus difficiles. Combattre simultanément les adversaires qui avancent et sécuriser ses propres positions est un défi, même pour des militaires expérimentés. Et l'Ukraine en manque cruellement. De nombreuses troupes parmi les mieux entraînées du pays ont été tuées au cours des deux dernières années.
Les Ukrainiens peuvent-ils arrêter les Russes?
Mykola Bielieskov, expert de l'Institut national ukrainien des études stratégiques, ne s'attend certes pas à une offensive russe au printemps, mais il affirme qu'«ils préparent les bases d'une grande avancée au cours du second semestre de cette année». Le seul espoir des combattants sur le front est d'imaginer que, peut-être, ils parviendront à stopper les troupes de Poutine suffisamment longtemps pour que leur avancée ralentisse – ce que les Russes avaient réussi à le faire l'année dernière.
Mais pour cela, il faut un soutien urgent de l'Occident. L'expert russe Gerhard Mangott complète: «L'Ukraine a surtout besoin d'obus d'artillerie, de systèmes de défense aérienne et de missiles à longue portée ou de croisière.»
Gerhard Mangott pense que l'Ukraine ne passera pas encore à l'offensive cette année ni ne tentera de conquérir des territoires. «Cette année, l'Ukraine restera selon toute vraisemblance en position de défense. La Russie va intensifier ses actions agressives cette année, profitant d'un manque flagrant de moyens dans l'armée ukrainienne.»