Négociée par le Parti socialiste de Pedro Sánchez avec les deux partis indépendantistes catalans, la mesure visant à amnistier les indépendantistes catalans a été adoptée par 178 voix contre 172, sur un total de 350 députés.
Elle doit maintenant être soumise au Sénat, contrôlé par la droite, farouchement opposée à cette mesure et qui a promis de retarder le plus possible son examen. Le texte devra ensuite revenir à la chambre basse et son adoption définitive n'est pas prévue avant mai.
Son approbation constitue un succès politique pour Pedro Sánchez. Cette loi d'amnistie est le texte le plus controversé sur lequel a eu à se prononcer le Parlement depuis son arrivée au pouvoir en 2018.
Le vote s'est produit dans un climat de tension extrême entre le gouvernement de gauche et le Parti populaire (PP), principale formation de l'opposition de droite, qui s'accusent de corruption depuis des semaines. Le PP et l'extrême-droite considèrent cette loi comme un cas de «corruption».
Dans une allocution avant le vote, le chef du PP, Alberto Núñez Feijóo, a lancé une attaque dévastatrice contre la mesure, affirmant que «cette loi divise l'Espagne en deux» et dénonçant «une absence absolue de scrupules et de convictions» de la part de Pedro Sánchez.
Pedro Sánchez veut-il «rester encore un peu président du gouvernement»?
«Cette loi va être approuvée parce que c'est l'unique moyen qu'à Pedro Sánchez de rester encore un peu président du gouvernement», a-t-il poursuivi. Ce «n'est pas la réconciliation» avec la Catalogne mise en avant par le gouvernement pour la justifier, «c'est la soumission» aux indépendantistes, a-t-il lancé.
L'amnistie, qui devrait bénéficier à environ 400 personnes, a pour objectif de mettre fin aux poursuites et d'annuler les condamnations découlant des événements de 2017. Le gouvernement régional catalan présidé par Carles Puigdemont avait organisé unilatéralement un referendum d'autodétermination illégal, la pire crise politique de l'histoire contemporaine de l'Espagne.
Pedro Sánchez avait gracié il y a trois ans neuf indépendantistes condamnés pour leur rôle dans les événements de 2017. Mais il avait assuré durant la campagne pour les législatives de juillet qu'il était opposé à une amnistie.
Un problème d'arithmétique électorale
L'arithmétique électorale l'a toutefois contraint à changer d'avis, car les résultats du scrutin du 23 juillet ont rendu l'appui des deux partis indépendantistes catalans - Ensemble pour la Catalogne (JxCat), de M. Puigdemont, qui vit en exil en Belgique depuis 2017 pour échapper à la justice espagnole, et Gauche républicaine de Catalogne (ERC) - indispensable à sa reconduction au pouvoir.
Un premier vote sur une loi d'amnistie a eu lieu le 30 janvier, mais il s'était soldé par un rejet humiliant pour M. Sánchez, les sept députés du parti de M. Puigdemont ayant voté contre un texte qu'ils estimaient insuffisant.
La crainte de M. Puigdemont, qui fait toujours l'objet d'un mandat d'arrêt, était que le projet de loi, tel qu'il était alors conçu, ne le protège pas contre d'éventuelles poursuites pour terrorisme ou trahison. Un mois plus tard, la plus haute instance judiciaire espagnole annonçait d'ailleurs l'ouverture d'une enquête contre lui pour «terrorisme».
Une Catalogne «libre»
Les socialistes ont donc dû rouvrir les négociations et accepter les demandes de JxCat. La nouvelle version de la loi votée jeudi par les députés ne contient plus aucune référence au code pénal espagnol et prend pour seul critère les normes européennes, qui donnent une définition différente du terrorisme.
Comme s'il anticipait déjà les recours qui seront immanquablement déposés contre la loi auprès de la justice espagnole, l'un des sept députés de JxCat, Josep María Cervera, a souligné avant le vote que le texte était «conforme au droit international».
Mais il a aussi lancé un avertissement sans ambigüité aux socialistes: il a souligné que malgré l'amnistie, «le conflit politique et historique entre la nation catalane et la nation espagnole existe toujours».
Ce que fait la loi d'amnistie, a-t-il dit, c'est «créer une opportunité pour négocier directement l'avenir de la Catalogne, une Catalogne que nous voulons libre», autrement dit indépendante.
Optimiste, M. Puigdemont avait déclaré mercredi soir à la presse à Bruxelles que la loi d'amnistie entrerait en vigueur «probablement fin mai». Il a envisagé son retour en Catalogne dans les semaines suivantes.