L'Afghanistan et le Pakistan respectent jeudi un cessez-le-feu approuvé la veille, au terme de plusieurs jours de confrontation meurtrière ayant fait des dizaines de morts dans leurs régions frontalières et ayant débordé jusqu'à Kaboul, théâtre d'explosions. D'après Islamabad, la trêve entrée en vigueur à 13H00 GMT mercredi doit durer 48H, le temps de «trouver une solution positive (...) par un dialogue constructif».
«Aucun tir n'a été recensé dans les districts frontaliers depuis hier soir (mercredi). Mais des troupes paramilitaires supplémentaires ont été déployées pour contrer toute opération du TTP (talibans pakistanais) qui pourrait compromettre le cessez-le-feu», a déclaré à l'AFP un haut responsable sécuritaire pakistanais. Le calme est également revenu à Kaboul où, peu de temps avant l'annonce de cessez-le-feu mercredi, de nouvelles explosions avaient retenti. Des sources de sécurité pakistanaises ont indiqué que l'armée y avait visé un groupe armé avec «des frappes de précision».
Contrairement à la semaine dernière, lorsqu'elles avaient incriminé le Pakistan après d'autres explosions dans la capitale afghane, les autorités talibanes n'ont cette fois pas blâmé leur voisin. Elles ont fait état, sans détailler, de l'explosion d'une citerne de pétrole puis d'un transformateur électrique, provoquant des incendies. Mais sous couvert d'anonymat, un haut responsable taliban a indiqué à l'AFP que la deuxième explosion était le fait d'Islamabad, qui avait voulu «viser des civils». Aucun bilan officiel n'a été communiqué, mais l'ONG italienne Emergency, qui gère un hôpital dans la capitale, a dit avoir pris en charge 35 blessés et fait état d'au moins cinq morts.
«Terrifiant»
Jeudi, des correspondants de l'AFP ont vu que des employés municipaux s'affairaient à réparer les dégâts dans un quartier de la capitale afghane où la route est calcinée et des appartements ont eu leurs vitres soufflées. A Chaman, ville située du côté pakistanais de la frontière, les marchés ont rouvert. Même constat de l'autre côté, à Spin Boldak, théâtre majeur des affrontements des derniers jours, où des habitants qui avaient fui regagnent leurs domiciles, a constaté un journaliste de l'AFP.
Mercredi, 40 civils y ont été tués et 170 blessés, a déclaré à l'AFP Karimullah Zubair Agha, directeur de la Santé publique dans cette région. «Nos maisons ont été bombardées, un enfant a été blessé. J'ai entendu l'avion moi-même», a témoigné auprès de l'AFP Abdul Zahir, un habitant de 46 ans. «C'est terrifiant». Toujours à Spin Boldak, des centaines de personnes et des responsables talibans ont participé aux funérailles de sept membres d'une même famille, selon un journaliste de l'AFP présent sur place.
Pour une trêve «durable»
Les violences ont débuté la semaine dernière après de premières explosions à Kaboul et dans le sud-est de l'Afghanistan. Kaboul a alors décidé de lancer une offensive à la frontière, à laquelle le Pakistan a promis une «réponse musclée». Islamabad a dit avoir visé mercredi des postes de talibans afghans et de groupes armés. Les échanges de tirs ont fait des dizaines de morts à partir de samedi, puis de nouveau mercredi.
La Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua) a recensé au moins 18 civils tués et plus de 350 blessés durant ces quelques jours. Dans un communiqué, elle a appelé les deux parties à mettre un terme aux hostilités «de façon durable». Cet accès de violences survient sur fond de tensions bilatérales récurrentes, alimentées par des questions sécuritaires.
Islamabad, confronté à une résurgence d'attaques contre ses forces de sécurité, accuse son voisin afghan «d'abriter» des groupes «terroristes», en tête desquels se trouvent les talibans pakistanais (TTP), ce que Kaboul dément. Les explosions survenues la semaine dernière en Afghanistan avaient eu lieu alors que le chef de la diplomatie talibane effectuait une visite inédite en Inde, ennemi historique du Pakistan.