L'armée israélienne bombarde vendredi Rafah, ville du sud de Gaza où s'entassent plus d'un million de Palestiniens déplacés par la guerre. Son allié américain, qui craint un «désastre» humanitaire, juge «excessive» sa riposte contre le Hamas. Signe des vives tensions au Moyen-Orient dans le sillage de la guerre à Gaza, des salves de roquettes ont été lancées dans la nuit depuis le Liban vers le nord d'Israël, peu après une frappe aérienne israélienne contre un dirigeant militaire du Hezbollah libanais, et les Etats-Unis ont mené des bombardements contre les rebelles Houthis au Yémen.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui a conclu jeudi une tournée régionale visant à encourager les efforts pour obtenir une trêve, a exhorté Israël à «protéger» les civils dans ses opérations à Gaza, incluant Rafah. Après des opérations terrestres à Gaza City, puis à Khan Younès, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a ordonné de préparer une offensive sur Rafah, ville située à la frontière, fermée, avec l'Egypte, où s'entassent 1,3 million de Palestiniens dont la grande majorité sont des personnes déplacées par les affrontements des derniers mois.
Frappes mortelles
Washington a averti jeudi d'un «désastre» à Rafah et assuré ne pas soutenir une opération «sans une planification sérieuse et crédible» concernant les civils sur place. «Je pense, comme vous savez, que la riposte à Gaza, dans la bande de Gaza, a été excessive», a déclaré le président américain Joe Biden, dans une rare critique à l'égard d'Israël. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est dit «alarmé» par une opération terrestre sur place. «Une telle action aggraverait de façon exponentielle l'actuel cauchemar humanitaire dont les conséquences régionales sont déjà incalculables», a-t-il écrit sur le réseau social X.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des témoins ont fait état de frappes mortelles dans le centre et le sud de Gaza. Et le Croissant-Rouge palestinien s'est désolé de la mort de trois enfants dans une frappe israélienne sur Rafah. Sur place, les raids aériens et les craintes locales d'opération terrestre n'ont pas complètement découragé Husam Abdul Hadi, un Palestinien de 20 ans, qui y vend des roses pour alléger les coeurs.
«Notre objectif est de ramener un sourire sur tous les visages, de changer leur humeur, de les rendre heureux et de les faire rire», dit-il à l'AFP. «Je l'ai trouvé en train de vendre des roses, alors j'ai voulu acheter quatre roses, parce que j'ai quatre enfants. Je veux les offrir à ma femme, et j'espère que nous passerons le cap de la guerre et que nous vivrons en paix», dit l'un de ses clients Abou Elias Mehanna.
Otages encore aux mains du Hamas
«Gaza n'est plus Gaza», a témoigné pour l'AFP le ministre de la Culture de l'Autorité palestinienne, Atef Abou Seif, qui se trouvait à Gaza pour lancer la Journée du patrimoine palestinien lorsque la guerre entre Israël et le Hamas a éclaté. Il y est resté coincé 90 jours. La guerre a été déclenchée le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza, où le mouvement a pris le pouvoir en 2007, ont mené dans le sud d'Israël une attaque qui a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
Environ 250 personnes ont également été enlevées et emmenées à Gaza. Selon Israël, 132 otages sont toujours détenus sur place, dont 29 seraient morts. En représailles, Israël, qui considère le Hamas comme une organisation terroriste, tout comme les Etats-Unis et l'Union européenne, a juré de «détruire» ce groupe et a lancé une offensive qui a fait au moins 27'840 morts dans le territoire palestinien, en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.
Au Caire, un «nouveau cycle de négociations», parrainé par l'Egypte et le Qatar avec la participation du Hamas, a débuté jeudi pour obtenir «le calme dans la bande de Gaza» ainsi qu'un échange de prisonniers palestiniens et d'otages, selon un responsable égyptien. Un accord avait permis fin novembre une pause d'une semaine dans les combats, l'acheminement de davantage d'aide à Gaza, la libération d'une centaine d'otages et de quelque 240 prisonniers palestiniens écroués en Israël. Cette fois, les pourparlers portent sur une trêve de plusieurs semaines.
Cessez-le-feu en négociation
«Nous nous attendons à des négociations très (...) difficiles, mais le Hamas est ouvert aux discussions et désireux d'arriver à un cessez-le-feu», a expliqué un responsable proche du Hamas. L'Arabie saoudite a reçu jeudi des chefs de la diplomatie du Qatar, de l'Egypte, de la Jordanie, des émirats, ainsi que Hussein al-Sheikh, ténor de l'Autorité palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas, rival politique du Hamas, pour des «consultations» sur la situation à Gaza.
Selon l'agence saoudienne SPA, ces hauts responsables ont appelé à un «cessez-le-feu immédiat et total à Gaza» et ont appelé à des mesures «irréversibles» en vue de la création d'un Etat palestinien indépendant. Le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, dont le pays mène un «axe de la résistance» contre Israël, incluant le Hamas, le Hezbollah et les Houthis, est lui attendu vendredi au Liban.
(ATS)