Le constructeur aéronautique américain Boeing a de nouveau échappé in extremis à un procès fédéral au civil lié au crash d'un 737 MAX 8 d'Ethiopian Airlines en mars 2019, en parvenant à un accord avant le début de ce dernier prévu lundi, a indiqué à l'AFP un cabinet d'avocats. «La plainte a été réglée par un accord, pour un montant confidentiel», a déclaré une porte-parole du cabinet Clifford Law, qui représentait le plaignant, Paul Njoroge.
L'annonce a été faite au juge Jorge Alonso - qui siège dans un tribunal fédéral de Chicago (Illinois) et qui centralise toutes les plaintes civiles déposées à la suite de cet accident - lors d'une audience de préparation au procès qui s'est tenue vendredi après-midi.
«L'équipe de Clifford Law spécialisée dans l'aviation travaillait jour et nuit pour préparer le procès mais le médiateur a été en mesure d'aider les parties à trouver un accord pour le compte de Paul Njoroge», a commenté plus tard Robert Clifford, avocat principal, cité dans un communiqué.
157 morts
Le 10 mars 2019, un Boeing 737 MAX 8 effectuant le vol ET302 d'Ethiopian Airlines entre Addis Abeba et Nairobi s'est écrasé au sud-est de la capitale éthiopienne six minutes après le décollage, tuant les 157 personnes à bord.
Parmi elles, la famille du Canadien Paul Njoroge: son épouse Carolyne (33 ans), ses enfants Ryan (6 ans), Kellie (4 ans) et Rubi (9 mois) ainsi que sa belle-mère Ann Karanja, qui voyageaient de Toronto à Nairobi. «Je reste éveillé la nuit en pensant à l'horreur qu'ils ont dû endurer», confiait Paul Njoroge devant une commission parlementaire américaine en juillet 2019.
En hommage à ses enfants
«Pendant que les pilotes luttaient durant six minutes pour maintenir l'avion en l'air, la terreur que ma femme a dû vivre avec la petite Rubi sur ses genoux, nos deux enfants à côté appelant leur papa, et ma belle-mère se sentant inutile à côté d'elle. Ces six minutes sont pour toujours gravées dans mon esprit», avait-il ajouté.
«Les enfants n'avaient pas vu leurs deux grand-pères et une grand-mère depuis près de deux ans», avait expliqué Paul Njoroge, analyste financier au moment du crash, une activité qu'il n'a jamais reprise.
Il a créé une fondation en 2021, en hommage à ses enfants, qui apporte financements et soutien à des écoles et des élèves au Kenya, en Ethiopie et au Canada. Elle finance également la construction d'un mémorial en leur honneur. Le procès devait durer cinq à sept jours devant huit jurés.
Eviter tout procès
Ces procès ont simplement vocation à déterminer le montant de l'indemnisation des proches. Des proches de 155 victimes ont déposé un recours contre Boeing entre avril 2019 et mars 2021 pour mort injustifiée et négligence, entre autres.
Pour simplifier la procédure, le juge Alonso a constitué des groupes de cinq à six plaintes et a fixé, pour chaque groupe, une date de procès. Si toutes les plaintes d'un groupe aboutissent à un accord à l'amiable, le procès est annulé.
Mais, face au cas exceptionnel de Paul Njoroge, qui a perdu toute sa famille, seule sa plainte était inscrite au programme du procès prévu lundi. Selon le cabinet Clifford, une audience fixée à mercredi doit notamment programmer les plaintes pour le prochain procès privé le 3 novembre.
Boeing a donc réussi, jusqu'ici, à éviter tout procès en parvenant, parfois in extremis, à des ententes hors tribunal. L'avionneur a accepté la responsabilité de cet accident car «la conception du (logiciel antidécrochage) MCAS a contribué à ces événements».
Plusieurs dizaines de plaintes
Ce logiciel est aussi impliqué dans l'accident d'un 737 MAX 8 de la compagnie indonésienne Lion Air qui s'est écrasé en mer le 29 octobre 2018 une dizaine de minutes après son décollage depuis Jakarta, tuant 189 personnes.
Plusieurs dizaines de plaintes civiles ont été déposées aux Etats-Unis après cet accident. Selon une source judiciaire, une seule restait ouverte vendredi. Selon l'avionneur, plus de 90% des plaintes civiles liées aux deux crashes ont abouti à des ententes hors tribunal.
Il précise avoir versé «plusieurs milliards de dollars», en plus des sommes allouées lors d'une procédure pénale devant un tribunal fédéral de Fort Worth (Texas). Dans ce volet, portant sur les deux accidents, Boeing et le ministère de la Justice attendent la décision du juge Reed O'Connor de valider ou non l'accord mettant définitivement fin aux poursuites annoncé le 23 mai. C'est le troisième qui lui est soumis depuis 2021.