«Presque toutes les femmes font semblant de temps en temps! - En tout cas jamais avec moi. - Qu’est-ce que tu en sais ? - Bah je sais!»
Peut-être aurez-vous reconnu cette scène du film « Quand Harry rencontre Sally », sorti en 1989. Dans cette séquence devenue culte et devant le refus catégorique de son interlocuteur (Billy Crystal) de ne serait-ce qu’imaginer que l’une de ses nombreuses conquêtes ait pu feindre l’orgasme, Sally (Meg Ryan) décide de lui livrer la preuve par l’exemple… au beau milieu d’un dinner bondé. S'ensuit une séquence particulièrement vocale où Sally semble progressivement atteindre le septième ciel devant un Harry tantôt amusé, tantôt gêné. Une fois la démonstration de Sally achevée, la chute finale est amenée par une cliente qui, n’ayant pas perdu une miette de la scène, annonce au serveur venu prendre sa commande qu’elle veut commander «la même chose» que sa voisine de table.
Si tout le monde ou presque a déjà simulé un orgasme, le petit mensonge sans grandes conséquences peut cependant se transformer en véritable cercle vicieux lorsque l’on y a recours systématiquement. Une situation peu enviable, aux allures de choix cornélien: en parler à son partenaire au risque de lui faire de la peine ou ne rien dire et se résigner à des ébats sans apothéose?
Pourquoi on simule?
Avant de se pencher sur les raisons pouvant nous pousser à feindre l’orgasme, précisons que si cette problématique touche avant tout les femmes, certains hommes sont également concernés : «Dans ma consultation, il m’est arrivé de recueillir le témoignage d’hommes à qui il arrivait de simuler, le plus souvent en lien avec des troubles de l’éjaculation», indique Natalia Pavalachi, sexologue clinicienne à Lausanne.
Mais qu’est-ce qui nous pousse à feindre l’extase au lit (ou tout autre lieu approprié)? Selon Vanessa Marin, psychologue, sexologue et cocréatrice du podcast «Pillow Talks», au plus de cinq millions de téléchargements, «Personne ne commence à simuler pour être un connard» (asshole dans la langue de Shakespeare). Une formule-choc comme les américains en ont le secret, qui a le mérite d’exposer que personne ne fait semblant de gaieté de cœur. Selon Natalia Pavalachi, on peut en revanche décider de feindre un orgasme pour ne pas faire de la peine ou vexer son partenaire, mais également lorsque l’on pense que quelque chose cloche chez nous: «Beaucoup de femmes simulent parce qu’elles pensent être les seules à ne pas réussir à atteindre l’orgasme ou à prendre «trop de temps»».
Mais d’où vient ce sentiment d’anormalité? Dans son épisode dédié à la question, Vanessa Marin évoque les représentations sociales et culturelles du plaisir féminin, notamment par le biais de la pornographie, mais également le manque d’information de certaines femmes quant au fonctionnement de leur propre corps. Une analyse partagée par Natalia Pavalachi: «Dans l’imaginaire populaire, on résume quasi systématiquement le plaisir féminin à la pénétration vaginale alors que les études démontrent que seul 20% d’entre elles atteignent l’orgasme de cette manière».
Comment sortir de l’engrenage?
Que faire alors? Doit-on annoncer tout de go à notre partenaire qu’on a fait semblant de prendre son pied, parfois des années durant, ou existe-t-il une manière plus soft d’amener les choses? Avant de choisir votre école, Natalia Pavalachi insiste sur le fait qu’il est primordial d’identifier les raisons qui nous ont amené à simuler en premier lieu: peur du rejet ou de l’abandon, peur de blesser, de ne pas être une bonne amante? «Il est crucial d’aller à la racine du problème pour pouvoir ensuite le verbaliser et éviter de répéter le même schéma à l’avenir», indique la spécialiste.
Technique frontale
Radicale, cette première option consiste à sortir du bois et dire toute la vérité, rien que la vérité à notre moitié. Une révélation qui permet de se libérer pour de bon du poids du secret, mais qui risque fort de déstabiliser notre partenaire: «La personne qui reçoit ce genre de confidence aura de grandes chances de se sentir trahi, blessé ou encore coupable de ne pas avoir «su» faire jouir sa partenaire», prévient Natalia Pavalachi, qui se montre sceptique quant aux bénéfices de cette approche cash.
De son côté, Vanessa Marin explique que si l’on décide de se lancer, il est important de communiquer de manière claire sur les raisons qui nous ont poussé à simuler. Plus loin, la thérapeute insiste également sur l’importance d’accueillir les réactions et émotions de l’autre et de lui laisser tout le temps nécessaire afin de pouvoir «digérer» ces informations.
Technique détournée
«C’est pas toi, c’est moi…», un grand classique des ruptures amoureuses qui peut toutefois se révéler utile afin de ménager les sentiments de son partenaire tout en cessant de sacrifier son propre plaisir. Vanessa Marin propose d’engager la discussion de manière quelque peu détournée: «Tu sais, j’ai remarqué que depuis quelque temps, ce qui fonctionnait pour moi ne me fait plus autant d’effet. Est-ce que tu serais d’accord qu’on explore tous les deux de nouvelles choses?».
Une tactique également plébiscitée par Natalia Pavalachi, qui propose régulièrement à ses patients des exercices dits de reconnexion corporelle: «Je leur demande de prendre le temps de partager des moments intimes, mais sans aucune recherche de sexe ou d’orgasme, juste en explorant les différentes zones de leurs corps et les stimulations qui leur procurent du plaisir». Enfin, selon la spécialiste, cette sorte de «réinitialisation sexuelle» s’avère bénéfique même en l’absence de difficulté à atteindre l’orgasme: «En matière de sexualité, les besoins et envies évoluent au fil du temps, raison pour laquelle il est important de continuer à explorer de nouvelles manières d’avoir du plaisir avec son partenaire».