L'Union syndicale suisse (USS) tire la sonnette d'alarme: de plus en plus de retraités perçoivent une rente AVS incomplète! «Un nouveau retraité sur cinq résidant en Suisse a des lacunes dans sa prévoyance vieillesse», déclare à Blick la secrétaire centrale de l'USS Gabriela Medici.
Cette dernière a analysé les statistiques de l'AVS de ces dernières années. Et le résultat est sans appel: la part des retraités n'ayant pas suffisamment cotisé pour pouvoir bénéficier de l'AVS dans sa totalité est passée d'environ 11 à près de 19% en seulement 15 ans. «Un million des actifs actuels ne devraient donc recevoir qu'une rente partielle au lieu d'une rente complète», regrette-t-elle.
Pour obtenir une rente complète, il faut commencer à cotiser à partir de l'année suivant son 20e anniversaire – et ce jusqu'à 65 ans. Il faut donc 44 années de cotisation pour pouvoir bénéficier d'une rente dite complète. Si cette exigence n'est pas remplie, on parle alors de lacunes de cotisation. Le cas échéant, seule une rente dite partielle peut être perçue.
Des causes multiples
Les lacunes de cotisation ont des origines très diverses. On peut par exemple oublier de s'inscrire pendant les études ou lors d'un séjour prolongé à l'étranger. Une longue absence pour cause d'accident ou de maladie peut également poser des problèmes à posteriori. Parmi les autres causes d'ennuis liés à la rente AVS, les changements fréquents d'employeurs et le travail au noir doivent être cités.
Bien que les chiffres exacts ne soient pas connus, la question de la migration ajoute de la complexité à la situation. Une personne ayant immigré à 30 ou 40 ans ne peut évidemment pas cotiser assez longtemps pour obtenir une rente complète.
Réduction de la rente de 2,3% par an
Pour chaque année de cotisation manquée, la rente est réduite de 2,3%. Cela représente environ 60 francs par mois pour une rente de vieillesse allant jusqu'à 2520 francs. «Pour une bonne moitié des personnes concernées, il manque trois à quatre années de cotisation – ces personnes reçoivent donc 200 francs de moins chaque mois», explique Gabriela Medici.
Pour la syndicaliste, la situation est particulièrement problématique lorsque les lacunes ne peuvent être imputées à la personne touchée. «C'est notamment le cas du travail au noir, lorsque l'employeur ne remplit pas son obligation AVS et que les employés ne sont pas au courant, déplore Gabriela Medici. C'est un choc douloureux pour les personnes concernées.»
De nombreuses personnes pas conscientes du problème
Il existe tout de même un moyen d'atténuer les lacunes de cotisation. En effet, celles-ci être payées jusqu'à cinq ans après leur apparition. «Mais seulement si elles sont remarquées à temps, explique Gabriela Medici. Passé ce délai, elles font irrémédiablement défaut.»
Selon elle, de nombreuses personnes assujetties à l'AVS ne sont même pas conscientes du problème. Et pour cause: pour pouvoir consulter l'extrait de compte individuel des cotisations versées, il faut le réclamer soi-même de manière proactive aux caisses de compensation. Gabriela Medici estime que cette procédure est dépassée. «Au vu de l'aggravation de la problématique, il faut changer de mentalité. L'AVS doit fonctionner de manière à éviter autant que possible les lacunes de cotisation.»
L'Union syndicale demande des améliorations
Pour remédier au problème, l'Union syndicale émet trois revendications centrales:
- Un certificat AVS annuel: A l'avenir, les assurés devraient recevoir automatiquement un certificat AVS annuel qui indique les cotisations versées, les années de cotisation, les bonifications pour tâches éducatives, etc. Ce document devrait aussi signaler les lacunes de cotisation imminentes. «Pour les caisses de pension, il y a un relevé annuel. Cela devrait également être rendu possible pour l'AVS grâce à la numérisation», explique Gabriela Medici.
- Des conseils gratuits: Les caisses de compensation AVS ou un service fédéral central devraient mettre en place une offre de conseils gratuits pour les salariés. «Cela doit leur permettre d'identifier à temps les conséquences possibles sur leur rente», argumente Gabriela Medici.
- Des paiements à posteriori facilités: Il faudrait mettre en place de meilleures possibilités de paiements a posteriori pour l'AVS, du moins pour les lacunes de cotisation dont on n'est pas responsable. «Pour les caisses de pension et dans le troisième pilier, les possibilités de rachat ont été nettement étendues, explique Gabriela Medici. C'est justement dans l'AVS, le pilier le plus important, que cette possibilité est limitée.»
Les revendications syndicales devraient être prises en compte dans des projets à venir. La Confédération travaille actuellement à la mise en place d'une plateforme Internet qui devrait simplifier l'accès aux informations sur les comptes AVS individuels. La ministre de l'Intérieur, Elisabeth Baume-Schneider, entend présenter cette année encore les grandes lignes de la prochaine grande réforme de l'AVS.