Une cavalière vaudoise émue
«Offrir à mon cheval la meilleure retraite possible, c'était une évidence»

Il arrive un jour où, à l'instar des humains, un cheval part à la retraite. Son propriétaire doit alors lui trouver une place en pension. Témoignage d'une cavalière vaudoise qui avait planifié à l'avance les derniers galops de son cher Urbano, le cheval de sa vie.
Publié: 05.06.2024 à 18:02 heures
Janick Pelozzi et Urbano, un demi-sang suisse de 26 ans. «J'ai une relation fusionnelle avec ce cheval, que j'avais acheté quand il avait seulement 4 ans.»
Photo: Darrin Vanselow
Philippe Clot

Janick Pelozzi a débuté dans l’équitation à l’âge de 7 ans. Cette chargée de communication dans une haute école vaudoise a fait un peu de compétition de sauts d’obstacles à un niveau régional. Mais c’est avant tout l’équitation de loisirs qu’elle a pratiquée jusqu’en 2019.

Aujourd’hui, elle a totalement renoncé à ces balades montées pour cause d’attachement: «Quand j’ai décidé qu’Urbano, mon quatrième et dernier cheval, devait être mis à la retraite, j’ai essayé de monter les chevaux de mes amis. Mais cela ne m’apportait rien. J’ai donc décidé d’arrêter l’équitation.»

Depuis six ans, Urbano, un demi-sang suisse de 25 ans, coule des jours paisibles en compagnie d’une quinzaine d’autres compagnons seniors au Petit Paradis, à Puidoux (VD), une pension pour chevaux modèle et primée au niveau national. Janick Pelozzi habite à une dizaine de kilomètres de là. Elle vient régulièrement saluer son vénérable compagnon. Celui-ci la reconnaît, s’approche d’elle, manifeste sobrement sa joie de revoir celle avec qui, dix-sept ans durant, il s’est baladé par monts et par vaux, au pas, au trot, au galop.

«Une relation fusionnelle»

Une époque révolue, mais pour l’ancienne cavalière, l’essentiel n’est pas là: «Je n’ai pas besoin d’être sur le dos d’un animal. J’ai besoin d’être en contact avec lui», explique-t-elle avec les yeux qui s’embuent.

Elle poursuit: «Le cheval, c’est un partenaire de vie. Urbano, c’est mon quatrième cheval. Les précédents sont malheureusement décédés jeunes. Mais c’est avec Urbano que j’ai développé une relation fusionnelle. Il faut dire que je l’ai eu quand il n’avait que 4 ans. Je l’ai choisi chez l’éleveur. On s’est construit ensemble. Ce coup de cœur a été une école de vie, de patience, d’humilité. J’ai volontairement choisi de le mettre à la retraite alors qu’il était en pleine santé. Certains amis d’équitation n’ont pas compris ma décision. Mais je tenais à ce qu’il soit en pleine forme durant cette phase de changement d’environnement, plus précisément de mise en troupeau. L’adaptation peut être délicate.»

Dans cet EMS particulier de Puidoux, les chevaux savourent pleinement leur fin de vie.
Photo: Darrin Vanselow

Ici, dans les écuries et les vastes parcs du Petit Paradis, la quinzaine de pensionnaires semblent en tout cas cohabiter en parfaite entente. Ces bons soins et ce bon foin coûtent 450 francs par mois aux propriétaires. Créée en 2013 par une professionnelle et passionnée d’équitation, Vicky-Eileen Baumann, et par l’agriculteur Olivier Jossevel, cette pension n’a qu’un seul défaut: sa longue liste d’attente. Il y a en effet pénurie de places pour les chevaux de loisirs et de sport retraités en Suisse. Beaucoup d’entre eux sont donc placés en France, en Normandie notamment. Ce qui complique, voire exclut les visites.

La meilleure retraite possible

Janick Pelozzi, elle, n’aurait pas pu renoncer à échanger des regards et des caresses avec son cher compagnon: «J’ai besoin de le voir régulièrement. Urbano est un ami à part entière.» Un ami, un compagnon comme un chien par exemple? «La différence, c’est que nous ne vivons pas en permanence en sa compagnie. Donc, nous connaissons moins ses petites habitudes. Je m’en suis aperçue par exemple quand une naturopathe m’avait demandé si Urbano buvait avant ou après avoir mangé son foin. Je n’avais pas pu lui répondre.»

En revanche, toujours d’après la Vaudoise, cet animal est un miroir de nous-mêmes: «Si nous arrivons pour le monter quand on est tendus pour des raisons privées ou professionnelles, il exprimera son besoin de rester à distance. Il nous rappelle que nous devons laisser nos soucis de côté pour assurer la qualité de notre complicité. Le chien pourra s’accommoder de notre énergie négative, tandis que le cheval nous tournera le dos.»

Janick Pelozzi et le cheval de sa vie.
Photo: Darrin Vanselow

Le meilleur souvenir de la cavalière avec Urbano: «De manière générale, c’est d’avoir su créer ce lien d’amitié avec lui. Notamment par des promenades à pied avec lui, en marchant à son côté. C’est un partage très intense, en pleine tempête de neige tout comme en contemplant ensemble un coucher de soleil. Le lien à la nature est subitement multiplié par cette compagnie. Avec tout ce qu’Urbano m’a donné, c’était une évidence de tout faire pour lui offrir la meilleure retraite possible. Ici à Puidoux, chez Vicky et Olivier, toutes les conditions sont remplies.»

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