Une autre plainte pour abus
Le dossier de la Comco contre La Poste s'épaissit

La Poste rachète entreprise après entreprise afin de développer de nouveaux secteurs d'activité. De nombreux concurrents s'en plaignent. Pour une association, elle abuserait même de sa position dominante sur le marché.
Publié: 19.01.2022 à 06:06 heures
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Dernière mise à jour: 19.01.2022 à 08:13 heures
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Sous la direction de Roberto Cirillo, l'entreprise publique se lance dans de nouveaux domaines d'activité.
Photo: Keystone
Pascal Tischhauser

Qui dit multiplication des achats en ligne dit multiplication des comptes clients. Qui dit compte clients dit mot de passe. Comment s’y retrouver dans la pléthore de constellations, que l’on oublie si facilement? Et qu’est-ce que cela a à voir avec La Poste suisse?

Réponse: le géant jaune entend mettre un terme à ce problème en créant une identité électronique. Pour ce faire, il a racheté le groupe SwissSign.

Cela n’a plus grand-chose à voir avec le transport de lettres et de colis. Et l’acquisition de SwissSign n’est pas un cas isolé: l’ex-régie fédérale étend ses bras tentaculaires vers de nombreuses entreprises qui s’éloignent de plus en plus de son mandat légal. Elle a récemment acheté Livesystems, l’entreprise responsable des écrans dans les cars postaux. Elle veut également fournir des prestations dans le domaine de la santé et des relations avec les autorités. Elle proposera même aux PME des services de comptabilité.

Record de colis

2021 a été une année record pour La Poste. Pour la première fois, l'entreprise a livré plus de 200 millions de colis. Cela représente plus d'un demi-million par jour - et presque 10% de plus que l'année précédente. Pendant ce temps, le nombre de lettres envoyées diminue d'année en année. L'année dernière, il s'élevait tout de même à plus de 1,8 milliard. La moitié des colis sont désormais distribués par les facteurs. Selon La Poste, environ 800 postes à temps plein ont été créés l'année dernière dans la logistique pour faire face à la montagne de colis. Comme on s'attend à ce que le nombre de colis envoyés continue d'augmenter, le géant jaune veut doubler les capacités de distribution des colis d'ici 2030. 1500 postes supplémentaires seront créés à cet effet. Et d'investir 1,5 milliard de francs.

2021 a été une année record pour La Poste. Pour la première fois, l'entreprise a livré plus de 200 millions de colis. Cela représente plus d'un demi-million par jour - et presque 10% de plus que l'année précédente. Pendant ce temps, le nombre de lettres envoyées diminue d'année en année. L'année dernière, il s'élevait tout de même à plus de 1,8 milliard. La moitié des colis sont désormais distribués par les facteurs. Selon La Poste, environ 800 postes à temps plein ont été créés l'année dernière dans la logistique pour faire face à la montagne de colis. Comme on s'attend à ce que le nombre de colis envoyés continue d'augmenter, le géant jaune veut doubler les capacités de distribution des colis d'ici 2030. 1500 postes supplémentaires seront créés à cet effet. Et d'investir 1,5 milliard de francs.

Au point que certains doutent que l’entreprise publique soit autorisée à s’aventurer dans de nouveaux domaines d’activité. La Poste fait face à des plaintes de plus en plus nombreuses. Comme l’ont rapporté les titres de CH Media, le fabricant de logiciels Abacus a déposé une plainte auprès de l’autorité de surveillance Postcom parce que La Poste s’est emparée de Klara Business, un concurrent d’Abacus qui propose des applications logicielles pour les PME. Abacus s’appuie sur une expertise pour affirmer que La Poste n’a pas de base légale pour l’achat de Klara.

Les journaux du groupe Tamedia, eux, rapportent la plainte de l’entreprise de publicité Clear Channel, déposée conjointement avec l’association Publicité extérieure Suisse. Les plaignants critiquent l’achat de la régie publicitaire Livesystems par La Poste.

Un abus de position?

Le dossier s’est encore épaissi: le chef de Clear Channel confie à Blick que l’association Publicité extérieure Suisse prépare une plainte auprès de la Commission de la concurrence (Comco) contre La Poste. Christoph Marty, qui est également vice-président de l’association, justifie cette démarche par son inquiétude que «le groupe public pourrait abuser de son pouvoir sur le marché pour obtenir des avantages illégaux sur les surfaces publicitaires souvent louées par les pouvoirs publics». Ces surfaces publicitaires louées par les entreprises d’Etat, les villes et les communes représentent, en termes de montant, environ la moitié de la surface totale de publicité extérieure.

La Poste n'est pas seule

La Poste n'est pas la seule à s'aventurer dans de nouveaux domaines à grand renfort d'argent. Les entreprises énergétiques comme les Forces motrices bernoises et leur équivalent en Suisse centrale CKW (Central-schweizerische Kraftwerke) sont également critiquées pour leurs achats.

Alors que les FMB s'étendent désormais au-delà des frontières nationales et achètent également des entreprises de technique ferroviaire et d'informatique, les CKW se contentent (encore) d'acquérir des entreprises électriques, comme l'a rapporté «l'Aargauer Zeitung». Mais cela en restera-t-il là? Au début, les FMB s'étaient également concentrées sur les entreprises du secteur de la technique du bâtiment - et en avait acquis plus de 100, selon les médias alémaniques.

La critique de la concurrence privée est toujours la même: les entreprises dominées par l'Etat, qui disposent d'un secteur monopolistique, rachètent de trop nombreuses entreprises. La plupart du temps, on reproche aux entreprises publiques que les moyens ne proviennent pas des domaines d'activité dans lesquels elles entrent en concurrence avec des entreprises privées, mais tirent leur pouvoir d'investissement de leurs activités monopolistiques. Les entreprises privées ne pourraient ainsi pas suivre. Les entreprises contrôlées par l'Etat contestent cette affirmation.

La Poste n'est pas la seule à s'aventurer dans de nouveaux domaines à grand renfort d'argent. Les entreprises énergétiques comme les Forces motrices bernoises et leur équivalent en Suisse centrale CKW (Central-schweizerische Kraftwerke) sont également critiquées pour leurs achats.

Alors que les FMB s'étendent désormais au-delà des frontières nationales et achètent également des entreprises de technique ferroviaire et d'informatique, les CKW se contentent (encore) d'acquérir des entreprises électriques, comme l'a rapporté «l'Aargauer Zeitung». Mais cela en restera-t-il là? Au début, les FMB s'étaient également concentrées sur les entreprises du secteur de la technique du bâtiment - et en avait acquis plus de 100, selon les médias alémaniques.

La critique de la concurrence privée est toujours la même: les entreprises dominées par l'Etat, qui disposent d'un secteur monopolistique, rachètent de trop nombreuses entreprises. La plupart du temps, on reproche aux entreprises publiques que les moyens ne proviennent pas des domaines d'activité dans lesquels elles entrent en concurrence avec des entreprises privées, mais tirent leur pouvoir d'investissement de leurs activités monopolistiques. Les entreprises privées ne pourraient ainsi pas suivre. Les entreprises contrôlées par l'Etat contestent cette affirmation.

La critique ne s’arrête pas là: en 2020, La Poste a mis au concours ses surfaces publicitaires numériques et analogiques dans les cars postaux et les offices de poste. La majeure partie de cet appel d’offres, notamment toutes les surfaces numériques, a été remportée par Livesystems, à un prix de location extrêmement élevé. Livesystems aurait offert 168% de plus que le deuxième candidat pour la diffusion sur les écrans des cars postaux.

La Poste se surpaye elle-même

Des concurrents de longue date de Livesystems affirment que de tels prix ne peuvent que se faire à perte. Et que ce n’est pas une coïncidence si l’entreprise a été rachetée par La Poste en 2021. Elle aurait ainsi quasiment payé elle-même son coûteux espace publicitaire. Cela laisse plus qu’un simple arrière-goût amer pour les compétiteurs.

Interrogée à ce sujet, La Poste se contente de dire: «Nous ne commentons pas de telles spéculations et suppositions de tiers. Ce qui est important, c’est que les appels d’offres se fassent toujours sur la base de critères transparents et valables pour tous», explique une porte-parole. Le rapport qualité-prix n’est généralement qu’un des nombreux critères qu’un soumissionnaire doit remplir, ajoute-t-elle.

Vent contraire du Parlement

Abacus envisage également de porter plainte auprès de la Comco. Au Parlement, les interventions politiques concernant la politique commerciale de La Poste se multiplient. Le conseiller national PLR argovien Matthias Jauslin déplore que La Poste se plaigne d’un manque de moyens financiers et qu’elle réduise constamment ses prestations de service public, tout en achetant des entreprises à prix d’or. Il veut savoir ce que le Conseil fédéral entreprend pour que La Poste se concentre à l’avenir sur sa mission constitutionnelle et renonce à des acquisitions risquées.

«Il est généralement dérangeant qu’une entreprise détenue majoritairement par les pouvoirs publics rachète des entreprises avec l’argent qui provient initialement des contribuables, déclare Matthias Jauslin. Les PME ne peuvent pas s’opposer financièrement à une entreprise ayant un tel pouvoir sur le marché. On se bat ici à armes inégales. Le Conseil fédéral doit mettre des limites à ces agissements.» Il prévient que sinon, «le Parlement a le pouvoir de mettre fin à de telles distorsions du marché».

(Adaptation par Jocelyn Daloz)


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