Prendre des vacances prolongées, un congé sabbatique, partir quelques mois... un rêve pour beaucoup. Pour d’autres, c’est une nécessité, par exemple pour suivre une formation continue ou s’occuper de proches. Mais ceux qui s’accordent une telle pause risquent de se retrouver avec un trou dans leur prévoyance, sauf si leur employeur accepte de les soutenir.
Les sondages montrent que le besoin de faire une pause s’accroît. C’est précisément là qu’intervient un projet de recherche de la Haute école de Lucerne. Une équipe dirigée par la professeure et experte en prévoyance Yvonne Seiler Zimmermann élabore un modèle de préfinancement des congés. L’objectif est ambitieux: en faire une norme à l’avenir. Le projet bénéficie d’un large appui, avec des entreprises reconnues et les pouvoirs publics parmi ses bailleurs de fonds.
«Pas seulement pour ceux qui gagnent bien leur vie»
Une pause-emploi pour tous? «Notre but est de développer un concept qui permette des pauses non seulement aux personnes à hauts revenus ou à celles dont l’employeur finance le congé, mais aussi aux salariés modestes», explique Yvonne Seiler Zimmermann.
En effet, l’un des principaux problèmes est qu’un congé sabbatique entraîne souvent des désavantages financiers, car durant cette période, aucune cotisation n’est versée aux assurances sociales. Cela crée également un manque dans le deuxième pilier. «Plus tard, cela peut se traduire par une perte financière, notamment pour la rente de vieillesse», souligne Yvonne Seiler Zimmermann. Outre les moyens de subsistance, les cotisations sociales doivent donc aussi être assurées.
Son projet de recherche veut apporter une solution. Il s’agit de créer un «modèle standardisé et conforme à la loi de préfinancement dans le système de prévoyance suisse». Celui-ci permettrait de financer un congé aussi bien par l’épargne de temps – convertie en argent – que par des versements directs. «De cette manière, il devient possible de prendre des pauses sans subir de pertes financières à long terme», explique Yvonne Seiler Zimmermann.
Idéalement, ce préfinancement serait intégré dans le système de prévoyance existant, «pour des raisons de sécurité mais aussi d’efficacité fiscale», précise l’économiste lucernoise. La recherche en cours doit encore définir concrètement les modalités. Un outil de conseil interactif est aussi prévu, afin d’aider les salariés à planifier la durée et le coût d’un congé.
Tout le monde y gagne
Les initiateurs soulignent plusieurs avantages. Un congé sabbatique favorise l’équilibre entre vie privée et professionnelle et renforce la satisfaction. Les entreprises y trouvent également leur compte, avec une baisse des absences pour maladie et une fidélisation de leurs employés. Certaines offrent déjà cette possibilité et la cofinancent – mais toutes n’en ont pas les moyens.
Le besoin d’un nouveau modèle semble se préciser. Le projet est soutenu notamment par la Banque cantonale de Zurich, les Transports publics bâlois et l’Hôpital cantonal de Lucerne. Le principal sponsor est le prestataire de services de prévoyance PensExpert. La Chambre de commerce et d’industrie de Suisse centrale est également partenaire, et Innosuisse, l’agence publique de soutien à l’innovation, contribue elle aussi au financement.
La prévoyance ne concerne pas que la vieillesse
Comment rendre une carrière plus flexible sans créer de lacunes de prévoyance? Les politiques s’interrogent également. En Allemagne, le modèle du compte épargne-temps existe déjà: les employés y versent des heures supplémentaires ou une partie de leur salaire et financent plus tard un congé sabbatique, une formation, le soin à un proche ou une retraite anticipée.
En Suisse, ce système reste peu répandu. Mais un sondage représentatif réalisé en février 2025 par l’institut Sotomo pour PensExpert révèle que, une fois expliqué, il séduit largement. Trois quarts des sondés jugent l’idée positive et deux tiers pourraient imaginer recourir à un tel compte.
Les auteurs de l’étude relèvent que, pour la population, «la prévoyance n’est plus seulement synonyme de rente de vieillesse, mais aussi de sécurité financière à chaque étape de la vie». Et l’ouverture à de nouvelles solutions dans le système est jugée importante.
Diverses propositions ont déjà été faites pour élargir l’accès au deuxième pilier – par exemple pour faciliter les congés parentaux. Mais jusqu’ici, les projets visant à adapter la prévoyance professionnelle aux nouveaux modes de vie peinent à s’imposer.
L'enquête Sotomo susmentionnée a été réalisée en ligne en février 2025 auprès de plus de 2300 personnes. Les résultats sont représentatifs de la population intégrée linguistiquement en Suisse alémanique et en Suisse romande.