Lausanne, Berne, Zurich, Bâle… le ministre des Transports Albert Rösti anéantit les espoirs des Cantons de réaliser leurs aménagements ferroviaires dans les délais prévus. Tout au plus, «deux tiers» des projets seraient réalisables. Interview.
Albert Rösti, les Cantons ont une longue liste de souhaits en matière de projets ferroviaires.
Effectivement, d’importants investissements sont nécessaires, notamment dans nos gares. En 2009, dans le cadre du programme appelé «Horaire 2035», il a été décidé d’augmenter de 20% la capacité du réseau. Le Parlement a alors approuvé des crédits de 28 milliards de francs. Si vous comparez cela au budget annuel global de la Confédération, qui dépasse les 80 milliards, vous voyez à quel point c’est un montant énorme. Et ce n’est pas fini: les coûts continuent d’augmenter.
Pourquoi cela?
Sur certaines lignes principales, nous voulons passer à une cadence au quart d’heure, au lieu de 30 ou 40 minutes actuellement. Les CFF ont réalisé qu’il leur faudrait pour cela encore plus d’investissements. Ils estiment ces besoins supplémentaires à 14 milliards – en plus des 28 milliards déjà prévus. On atteint ainsi 42 milliards. C'est une somme énorme. Et par-dessus le marché, il y a maintenant six nouveaux projets qui coûteraient encore plus de 20 milliards.
Pouvez-vous nous rappeler de quels projets il s'agit?
Il s'agit des lignes Lausanne-Berne et Aarau-Zurich, des aménagements à Winterthour et Saint-Gall ainsi que des gares de Lucerne et Bâle, sans oublier le tunnel du Grimsel.
Et les moyens ne suffisent pas?
Tous les projets ont leur raison d'être. Mais il y a un problème: ils ne sont tout simplement pas réalisables à moyen terme. D’un point de vue purement technique, il est pratiquement impossible de mettre en œuvre plus des deux tiers de ces projets dans les 20 prochaines années.
Vous devez nous en dire plus.
Actuellement, nous investissons environ 1,5 milliard de francs par an dans les nouvelles constructions, les extensions de capacités. Tout cela est financé par le fonds d’infrastructure ferroviaire. Les limites budgétaires jouent un rôle, bien sûr, surtout en tenant compte du frein à l’endettement, mais l’obstacle principal est ailleurs: les lignes concernées sont en exploitation. Cela complique énormément la réalisation des travaux et rallonge les délais. C’est pourquoi je dis que nous avons besoin de priorités claires. Même les projets déjà décidés doivent être réévalués.
Y compris ceux du programme «Horaire 2035»?
Oui. Nous faisons aussi analyser ces projets par l’EPFZ, sous la direction du professeur Ulrich Weidmann. Le but est d’élargir notre marge de manœuvre. Peut-être qu’un des nouveaux projets apparaîtra alors plus urgent qu’un projet déjà validé.
Concrètement, que se passerait-il si vous lanciez ces six projets en parallèle?
On pourrait simplement dire: réalisons les six projets et construisons-les jusqu'en 2060. Certains projets ne seraient même pas terminés avant 2080. Ce n’est pas sérieux, ce n’est pas une perspective réaliste pour la population. En tant que ministre responsable pour les générations futures, je veux, avec le programme «Mobilité 2045», soumettre au Conseil fédéral, puis au Parlement, des mesures ciblées: des projets réalisables, nécessaires et finançables sur les 20 prochaines années.