Jean-Jacques Loup a une gueule de ciné, une voix de radio et la vie d’un personnage de roman. La dernière épopée du Broyard? Survivre à un cancer de la prostate métastatique — généralisé, donc — alors même que les parieurs les plus téméraires auraient hésité avant de miser le moindre billet sur sa rémission.
En ce brumeux lundi de décembre, le pimpant et (très) énergique retraité de 78 ans, qui a ouvert sa porte à Blick, nous reçoit comme il a toujours vécu: plein gaz! Attablé, le motard chevronné, ancien champion suisse d’enduro, discipline de moto tout-terrain, feuillette des papiers.
Tout commence le vendredi 21 juin 2019. «Ce matin-là, je me suis réveillé avec une enflure au niveau du cou», raconte-t-il, sans jamais se départir de son ton guilleret. «Sur conseil de mon médecin, je suis allé faire une biopsie. Résultat: cancéreux.»
Celui qui vit dans le village de Montmagny, dans le Vully vaudois, suit d’abord une hormonothérapie à Fribourg. Mais la maladie progresse de manière exponentielle. Environ un an plus tard, une chimiothérapie lui est proposée. L’ex-manager et directeur technique de plusieurs équipes professionnelles de cyclisme refuse.
Le passionné de la petite reine, qui a à son actif des Jeux olympiques, des championnats du monde ou encore des Tours de France, explique ce choix simplement. «On m’a dit que ce que j’avais était très méchant. Je n’ai pas paniqué. J’ai répondu que j’avais eu une vie magnifique, que j’ai toujours été un privilégié.»
Deuxième avis au CHUV
Un ange passe. Pudique, il n’a pas pour habitude de parler de lui. Encore moins de ses états d’âme. «Je suis d’une autre génération», justifie-t-il. Il avale son espresso, en propose un deuxième à Darrin Vanselow, photographe mandaté par Blick pour lui tirer le portrait.
Toujours assis dans son bureau, où trônent ses plus belles motos — notamment celle chevauchée lors de la mythique course Paris-Dakar, il se tourne vers sa femme. Elle pianote, dos à lui, sur un clavier d’ordinateur. Il la regarde affectueusement: «Dans ma vie incroyable, j’ai notamment eu le privilège de rencontrer Michelle Loup, qui m’a toujours supporté.»
Les deux se font maintenant face. Émotions, sourire, vanne, éclat de rire. Parenthèse tendre terminée. «Je n’ai pas voulu d’une chimio parce que c’est un traitement lourd, aux effets secondaires parfois conséquents, qui vous change physiquement, reprend-il. À mon âge, cela n’avait pas de sens.»
Ce n’est pas pour autant qu’il compte se laisser mourir. Il se rend au CHUV dans le but d’obtenir un deuxième avis et de connaître des alternatives thérapeutiques. Nous sommes en septembre 2020. De fil en aiguille, le docteur Dominik Berthold, répondant médical du Centre de la prostate, lui suggère alors un traitement de médecine nucléaire encore en phase d’étude clinique à ce moment précis, appelé PSMA (lire encadré ci-dessous).
Depuis 2020, le Service de médecine nucléaire et d’imagerie moléculaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) propose un traitement spécifique pour les patients atteints de cancers avancés de la prostate. Appelé PSMA, en référence à un antigène qui constitue le marqueur des cancers de la prostate (Prostate Specific Membrane Antigen), ce traitement combine des outils à la fois de diagnostic et de traitement de la médecine nucléaire. Objectif: localiser et traiter les cellules cancéreuses de manière ciblée.
Pour la partie diagnostic, des éléments radioactifs instables (isotopes) sont associés à des molécules capables de reconnaître les cellules cancéreuses et de s’y fixer. Ces substances sont injectées par voie intraveineuse sous forme liquide aux patients, en très petite quantité.
Grâce à un appareil d’imagerie spécifique (PET-scan), il est ensuite possible d’observer dans quelles parties du corps les éléments radioactifs émettent un rayonnement et donc d’identifier de manière très précise l’emplacement des cellules cancéreuses. Cette technique d’imagerie permet par la suite de suivre et vérifier l’efficacité du traitement.
La phase thérapeutique du traitement utilise la même technique de traçage et fixation des cellules cancéreuses de la prostate, mais cette fois-ci associée à des isotopes radioactifs puissants. Ainsi, les substances injectées aux patients vont servir, non plus à observer, mais à irradier et détruire les tumeurs, tout en préservant les cellules saines.
Le protocole PSMA est réalisé en une moyenne de quatre traitements espacés d’environ six semaines. À chaque fois, le patient est isolé pour une durée de trois ou quatre jours dans une chambre radio-protégée.
En résumé? «C’est une radiothérapie interne que nous injectons», vulgarise dans un courriel le professeur Niklaus Schaefer, répondant médical du Centre des tumeurs neuroendocrines et médecin nucléariste référent suppléant au Centre de la prostate.
À noter que le CHUV n’est pas le seul établissement à proposer le PSMA. «En Suisse, l’hôpital universitaire de Bâle, Berne et Zurich ont également à disposition ce traitement, liste le spécialiste. Tout comme les hôpitaux cantonaux de Saint-Gall, Baden (ndlr: Argovie), Lucerne ainsi que la clinique lucernoise Hirslanden St. Anna.»
Depuis 2020, le Service de médecine nucléaire et d’imagerie moléculaire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) propose un traitement spécifique pour les patients atteints de cancers avancés de la prostate. Appelé PSMA, en référence à un antigène qui constitue le marqueur des cancers de la prostate (Prostate Specific Membrane Antigen), ce traitement combine des outils à la fois de diagnostic et de traitement de la médecine nucléaire. Objectif: localiser et traiter les cellules cancéreuses de manière ciblée.
Pour la partie diagnostic, des éléments radioactifs instables (isotopes) sont associés à des molécules capables de reconnaître les cellules cancéreuses et de s’y fixer. Ces substances sont injectées par voie intraveineuse sous forme liquide aux patients, en très petite quantité.
Grâce à un appareil d’imagerie spécifique (PET-scan), il est ensuite possible d’observer dans quelles parties du corps les éléments radioactifs émettent un rayonnement et donc d’identifier de manière très précise l’emplacement des cellules cancéreuses. Cette technique d’imagerie permet par la suite de suivre et vérifier l’efficacité du traitement.
La phase thérapeutique du traitement utilise la même technique de traçage et fixation des cellules cancéreuses de la prostate, mais cette fois-ci associée à des isotopes radioactifs puissants. Ainsi, les substances injectées aux patients vont servir, non plus à observer, mais à irradier et détruire les tumeurs, tout en préservant les cellules saines.
Le protocole PSMA est réalisé en une moyenne de quatre traitements espacés d’environ six semaines. À chaque fois, le patient est isolé pour une durée de trois ou quatre jours dans une chambre radio-protégée.
En résumé? «C’est une radiothérapie interne que nous injectons», vulgarise dans un courriel le professeur Niklaus Schaefer, répondant médical du Centre des tumeurs neuroendocrines et médecin nucléariste référent suppléant au Centre de la prostate.
À noter que le CHUV n’est pas le seul établissement à proposer le PSMA. «En Suisse, l’hôpital universitaire de Bâle, Berne et Zurich ont également à disposition ce traitement, liste le spécialiste. Tout comme les hôpitaux cantonaux de Saint-Gall, Baden (ndlr: Argovie), Lucerne ainsi que la clinique lucernoise Hirslanden St. Anna.»
Bingo. «Je n’en avais jamais entendu parler, mais le fait que ce soit expérimental m’a plu, glisse Jean-Jacques Loup. Je me suis dit que prendre le départ de cette course servirait à d’autres, que je serais un petit maillon dans la chaîne qui permettra à terme de soigner ce type de cancers.»
Aucun effet secondaire
Entre novembre 2020 et avril 2021, le septuagénaire reçoit quatre injections radioactives. Chacune d’entre elles nécessite un séjour de quatre jours en isolement complet dans une chambre plombée, spécifiquement prévue à cet effet, pour qu'il n'irradie pas son entourage. Ses urines, contenant une forte dose de radioactivité, sont éliminées séparément.
«J’ai été très surpris parce que je n’ai eu aucun effet secondaire, s’exclame le Boyard. Sincèrement, une fois les injections — qui durent une quarantaine de minutes chacune — derrière, c’étaient presque des vacances!» Il décrit une chambre capitonnée agréable, avec tout ce qu’il faut pour passer le temps. «J’avais la télévision, des magazines, … Franchement, je ne m’ennuyais pas, même si je ne pouvais voir personne. Seuls le goût des aliments et la drôle de sonorité de la pièce me rappelaient que j’étais en milieu hospitalier.»
Jean-Jacques Loup jure qu’il n’attendait rien de ce traitement. Sa surprise n’en a été que plus grande. Après un énième PET-scan, un examen radiologique pointu, la joie est totale! Toutes les métastases qui recouvraient son corps ont disparu. Il compare les images prises avant et après le processus. «Pour moi, c’est un vrai miracle, souffle-t-il. Actuellement, je n’ai plus qu’une petite tache: un nodule au fond de la prostate. Nous ne savons pas s’il est cancéreux, mais nous allons le traiter préventivement. Bientôt, nous n’en parlerons plus.»
PSMA, traitement miracle?
Au CHUV aussi, on estime que ce résultat est exceptionnel. «Monsieur Loup a eu une très bonne réponse, quasiment complète, après les quatre cycles et sans effets indésirables», confirme dans un courriel le professeur Niklaus Schaefer, répondant médical du Centre des tumeurs neuroendocrines et médecin nucléariste référent suppléant au Centre de la prostate.
Ce spécialiste réputé indique que, à ce jour, «150 à 200 patients» ont bénéficié de ce traitement dans les murs de l’hôpital lausannois. Et les résultats sont jugés plus qu’encourageants.
Est-ce que cette thérapie, comme dans le cas de Jean-Jacques Loup, pourrait un jour être une solide et moins contraignante alternative à la chimiothérapie? «Dans les maladies tumorales ou cancéreuses, nous avons toujours plusieurs possibilités, affirme-t-il. […] Le traitement PSMA est classiquement indiqué après une chimiothérapie. Concernant des patients pour qui une chimiothérapie n’est pas possible pour des multiples raisons, ce traitement est une vraie alternative. Quand bien même, il est nécessaire de trouver avec chaque patient la formule la plus adaptée pour traiter sa maladie.»