«La Russie suspend sa participation au traité New Start». En prononçant cette phrase le mardi 23 février, le chef du Kremlin Vladimir Poutine n'a pas seulement mis un frein à un accord nucléaire historique, qui avait contribué à la fin de la guerre froide. Mais il a aussi coupé l'un de ses derniers canaux de communication existant avec les États-Unis. Le contrôle international de l'arsenal nucléaire russe s'amenuise par conséquent.
Ce retrait russe du traité n'est pas juste symbolique, souligne Alexander Bollfrass, expert militaire et en armes nucléaires à l'EPFZ. «La Russie a brisé sans ménagement les garde-fous qui devaient éviter une escalade», avertit le chercheur. Des garde-fous mis en place à la fin de la guerre froide déjà.
L'expert suggère que Poutine a ainsi voulu envoyer un message politique, plutôt que d'augmenter véritablement son arsenal nucléaire. «Avec cette décision, Poutine signale qu'il ne veut plus avoir les mains liées par les accords et les normes internationales, que ce soit sur les questions nucléaires, ou humanitaires».
Du nucléaire en Ukraine?
Selon le ministère russe des Affaires étrangères, la Fédération continuera toutefois à respecter les plafonds fixés par le traité pour son arsenal nucléaire stratégique. Mais pour Alexander Bollfrass, cela n'est pas une garantie suffisante — et ça n'a rien de rassurant. «Moins il y a de canaux de communication, plus le risque d'une mauvaise communication, aux effets potentiellement tragiques, est grand».
Il estime également que la crainte d'une escalade nucléaire, qui serait initiée par le camp russe, est justifiée. «Il est possible que Moscou utilise des armes nucléaires en Ukraine pour combler les déficits de son armée».
Mais, selon l'expert, cela ne présenterait que peu d'avantages pour l'agresseur, en réalité. «Car cela contrarierait probablement la Chine, qui est, aujourd'hui, le principal partenaire de la Russie dans son attaque contre l'ordre mondial établi». Le pays du Milieu ayant lui aussi explicitement déconseillé à la Russie d'utiliser des armes nucléaires en Ukraine, et ce à plusieurs reprises.
Course aux armements
Quoi qu'il en soit, l'annonce du retrait de la Russie du «New Start» est un problème qui aura des conséquences à long terme. «Nous vivons dans un Far West du nucléaire en ce moment», déclare même Alexander Bollfrass.
Sans un accord nucléaire russo-américain, ce n'est qu'une question de temps avant qu'une course à l'armement ne commence, notamment du côté chinois, justement. Car aucun accord nucléaire du même type n'existe avec le pays asiatique, qui pourrait lui aussi vouloir augmenter son arsenal, étant donné le contexte actuel.
Pourquoi est-ce que, par les temps qui courent, un accord rompu mènerait inéluctablement à une escalade des tensions? Car, sans un pacte garantissant un partage de données et d'informations entre deux pays, ces derniers ne tarderont pas à espérer le pire de l'autre, faute de communication. Conséquence directe: chacun augmente son arsenal, «juste au cas où», précise notre expert. Et Alexander Bollfrass d'ajouter: «Ainsi, il sera presque impossible de se diriger vers un désarmement nucléaire dans ce contexte...». Contexte dans lequel souffle comme un vent de nouvelle guerre froide.