Une «action coup de poing» est actuellement en cours sur les prairies sèches des collines de St-Triphon. Le canton de Vaud mène en effet d'importants travaux de revitalisation de ce milieu naturel particulier. Décrété «d'importance nationale», le site de l'ancienne carrière des Fontenailles abrite une faune et une flore rares qu'il s'agit de protéger.
Depuis 1900, plus de 95% des prairies sèches d'importance nationale ont été détruites, tandis que leur superficie et leur qualité ne cessent de diminuer. «C'est pour cela que l'on entreprend ce type de travaux», explique à Keystone-ATS Noémie Evéquoz, collaboratrice scientifique au sein de la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-Biodiversité et paysage). «Cela peut paraître excessif, mais on maintient le peu de prairies sèches qu'il reste par ces actions», ajoute-t-elle.
Les travaux de revitalisation menés dans la zone – d'ailleurs très fréquentée par les friands d'escalade et les passants en quête de spots de pique-niques – se déclinent en plusieurs axes. Il s'agit d'abord de débroussailler et de «remettre en lumière», précise la responsable. «Quand un arbre ou un buisson s'installe, certaines espèces de la flore perdent leur accès à la lumière et disparaissent», illustre-t-elle.
Un choix fin s'opère donc entre ce qui est préservé et ce qui est coupé. Les plantes exotiques, qui ont été relevées sur le site grâce à des études de terrain, appartiennent à cette deuxième catégorie. Des bambous ont ainsi été arrachés, tout comme leur rhizome, cette tige souterraine qui assure la survie de la plante pendant les saisons défavorables en lui permettant de se multiplier.
Guider le public
Une autre partie importante des actions menées se joue au niveau du public et de sa sensibilisation. «Tout l'enjeu» est là, explique Noémie Evéquoz. «Il s'agit de garder certains secteurs ouverts au public, tout en protégeant le site», continue l'experte. L'accès aux sites de grimpe sera garanti, mais les sentiers pour y accéder seront modifiés.
Certaines zones seront aussi bloquées à l'aide de cordelettes, et le passage canalisé dans des secteurs très précis, afin de limiter le piétinement et de permettre l'installation de plantes typiques du milieu. A terme, des panneaux devront aussi informer le public du statut particulier des prairies sèches de St-Triphon et des bonnes pratiques à adopter.
Essentiellement faites de calcaire, les collines du village chablaisien présentent une topographie particulière, où règnent des conditions très sèches. Falaise, dalles et pierriers forgent la spécificité de l'endroit, dans lequel se niche «une mosaïque d'habitats» où vient s'installer une flore très spéciale. Cette dernière est, à son tour, associée à des insectes et animaux particuliers, poursuit la responsable.
Le lézard vert, parmi les plus grands de Suisse, le trèfle strié ou encore le pouillot fitis, ce petit oiseau rare parfois décrit comme le «chantre du printemps» comptent parmi les espèces qui peuvent être aperçues à proximité du site.
Recensement national
Ce type de milieu naturel se glisse dans l'inventaire des prairies et pâturages secs d'importance nationale, mis en place par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) en 2010. Le document recense ces «habitats riches en espèces», qui sont le plus souvent menacés par les constructions – qui détruisent les habits naturels – et les nouvelles pratiques agricoles.
Sur les 3951 objets qui habillent la liste fédérale, 352 se trouvent sur le territoire vaudois. En guise de comparaison, le canton du Valais en abrite 288.
Et c'est au Canton qu'incombe la protection de ces zones, leur intégration dans l'aménagement du territoire ainsi que les travaux de revitalisation dont elles doivent bénéficier lorsqu'elles sont «en mauvais état», souligne Noémie Evéquoz.
Un court chantier
Les actions de revitalisation sont menées par l'Etat de Vaud pendant plusieurs semaines entre septembre et octobre sous la forme d'une «action coup de poing». Des opérations complémentaires pourraient être menées l'année prochaine.
Si les travaux sont supervisés par la Direction générale de l'environnement et sa division Biodiversité et paysage, ils sont notamment menés en collaboration avec la Fondation Nicole-Debarge. Cette dernière oeuvre pour la sauvegarde du site d'escalade de St-Triphon, dont elle est propriétaire.
Le projet s'inscrit dans une stratégie plus large de préservation et de revitalisation des sites naturels - ou biotopes - d'importance nationale chapeautée par le canton de Vaud. Le territoire est riche de 522 de ces biotopes, dont des prairies sèches mais aussi des marais ou des zones alluviales.