Genevois privés de baignades
La double pollution du Rhône vient d’un chantier d’Orllati, mais personne ne le dit

Une enquête doit déterminer les causes de la double fuite d'hydrocarbures dans le Rhône (GE). Le logo du mastodonte vaudois de la construction est partout sur le chantier, désormais fermé. Mais ni aux SIG, ni à l'Etat, on ne veut prononcer le nom d'Orllati.
Publié: 27.06.2025 à 18:48 heures
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Dernière mise à jour: 27.06.2025 à 19:27 heures
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Deux fuites d'hydrocarbures ont eu lieu dans le Rhône à Genève.
Photo: keystone-sda.ch
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Camille KrafftJournaliste Blick RP

Une «entreprise générale» ou une «entreprise privée de gros oeuvre». Voici comment a été pudiquement qualifiée ces derniers jours, dans les différents communiqués et dans la presse, la société chargée du chantier qui a pollué le Rhône à deux reprises à Genève à la suite de fuites d’hydrocarbures «bio». Spoiler alert: il s’agit du groupe Orllati, mastodonte vaudois de la construction spécialisé notamment dans les travaux lacustres.

Le célèbre logo turquoise du constructeur est visible partout sur les lieux, soit en amont du bâtiment des forces motrices: sur les machines, les casques, les chasubles des ouvriers ainsi que sur les photos publiées dans certains médias. Mais aucun représentant de l’entreprise générale ne s’est adressé aux journalistes lors du point presse qui a été organisé sur place ce jeudi et le nom de la société n’a pas été prononcé par les différents intervenants, selon des témoignages de personnes présentes sur place. Le groupe Orllati, à qui nous avons fait parvenir des questions, nous a renvoyé vers les Services industriels genevois (SIG), maître d’ouvrage, pour toute demande d’information. 

«
En général, on ne cite pas le nom des entreprises tierces
Isabelle Dupont, porte-parole des Services industriels genevois
»

Mais ce dernier n’est pas plus disert, refusant de confirmer même une évidence assez basique, à savoir le fait que c'est bien Orllati qui gère le chantier: «En général, on ne cite pas le nom des entreprises tierces», justifie Isabelle Dupont, porte-parole des SIG. Nous avons donc contacté Guillaume Pierrehumbert, le directeur général de l’office cantonal de l'eau au Département du territoire, en espérant avoir un peu plus de succès auprès du canton. Chou blanc: le directeur indique se calquer sur la position de sioux des Services industriels, avec qui les communiqués ont été rédigés conjointement. Pourquoi le nom d’Orllati leur brûle-t-il les lèvres à tous? Une source évoque la crainte d’avoir des ennuis judiciaires, alors que ni les causes des incidents, ni les responsabilités ne sont encore établies dans cette affaire. 

Le Rhône, un contexte particulier

Ce que Guillaume Pierrehumbert ne cache pas par contre, même s'il l'exprime avec retenue, c’est qu’il est «pour le moins dérangé par le fait qu'il y ait eu un événement similaire à deux jours d'intervalle sur le même chantier.» Il précise que les travaux ont lieu dans «un contexte particulier en raison du débit de l'eau dans un fleuve alors qu'elle est quasiment immobile dans un lac.» Pour le directeur, le double épisode est d’autant plus agaçant qu’il s’inscrit dans une série: «Nous avons eu passablement d'événements de pollution ces dernières semaines. Chacun d'entre eux est perçu comme une défaite à notre niveau, car notre rôle est de protéger les écosystèmes et les milieux aquatiques.» 

La suite? Des investigations sont menées par la police, l’office de l’eau et l’inspection des chantiers, confirme Guillaume Pierrehumbert. Il précise que «l'enquête devra déterminer les responsabilités entre le maître d’ouvrage et l’entreprise générale.» Les différents éléments qui seront récoltés pourraient déboucher sur une dénonciation pénale pour une possible infraction à la loi sur la protection de l’environnement ou à celle sur la protection des eaux. 

Chantier fermé

Le mardi 24 juin, la conduite hydraulique d’une machine de chantier avait cédé et laissé s’écouler 70 litres d’hydrocarbures dans le fleuve. La baignade avait été interdite pour des raisons sécuritaires jusqu’au lendemain à midi. Le tuyau a l’origine de la fuite avait été changé. Mais jeudi vers 11h, rebelote: une nouvelle fuite laissait passer quelque 140 litres d’huile biodégradable à une heure de forte affluence de baigneurs. La situation a été maitrisée dans la soirée. Aucun impact sur les milieux naturels ni problème sanitaire n’ont été constatés à ce stade, mais la situation reste sous surveillance. 

Quant au chantier à l’origine des fuites, géré par... Orllati, il a été fermé et le restera jusqu’à nouvel avis. 

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