Carnaval autorise tout?
Des tags «racistes, antisémites et sexistes» choquent aux Brandons de Payerne

Une «jolie tradition» de Carnaval qui fait polémique. Les Brandons de Payerne (VD) sont critiqués pour des tags «humoristiques» à caractère discriminatoire sur les commerces de la ville. Un habitant et l'ex-directeur juif de Manor, visé par deux tags, dénoncent.
Publié: 11.03.2025 à 13:44 heures
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Dernière mise à jour: 12.03.2025 à 10:12 heures
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Selon la tradition, le groupe des Barbouilles tague les commerces. «Attention à ceux qui oseraient les effacer», indique le site.
Photo: Capture d'écran/Brandons de Payerne
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Léo MichoudJournaliste Blick

Comme c'est Carnaval, peut-on donner dans le racisme, l'antisémitisme, le sexisme et le validisme sous le couvert de l'humour? La question se pose aux Brandons de Payerne (VD), qui viennent de vivre leur dernière soirée de festivités pour 2025 ce lundi 10 mars. Les tags sur les commerces de la ville ont fait réagir un habitant, et derrière lui des organismes anti-racistes ainsi que la gauche politique.

Sur son compte Instagram, Lucien Agasse, nouvel habitant de la commune broyarde s'offusque des inscriptions à la peinture des Barbouilles – cette «jolie tradition» qui «consiste à taquiner les commerçants de la ville en écrivant sur leurs vitrines des anecdotes croustillantes et vécues», peut-on lire sur le site des Brandons de Payerne. Depuis le début du carnaval, restaurants, magasins et autres bâtiments communaux en ont tous pris pour leur grade par des Barbouilleurs masqués.

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Problème? Certains ne passent pas pour le trentenaire, photographe de profession et familier de la question «en tant que personne concernée», explique-t-il à Blick lundi. «Chien accepté, juste en cuisine», peut-on lire sur la devanture d'un restaurant thaïlandais. «Liquidation finale: soldes de 39 à 45%», est-il inscrit sur l'ancien Manor, récemment fermé par son patron Bertrand Bladt. Et sur un restaurant libanais: «Quand votre commande est prête, on vous bip. Vous verrez, c'est de la bombe.»

Humour à deux vitesses

Une volonté d'humour, donc, qui rebondit parfois sur l'actualité locale et internationale. «Le point qui m'a interpellé, c'est qu'il y avait un vrai ciblage des commerces de cultures différentes en faisant allusion à chaque fois aux origines, continue Lucien Agasse. Les commerces 'traditionnels' ont eu droit à des blagues plus standards, mais pas méchantes.» De quoi faire réagir sur le plan politique: «Insoutenables propos racistes», commente sur Instagram Mathilde Marendaz, députée Ensemble à Gauche au Grand conseil vaudois.

Antisémitisme à Payerne?

«C'est un sujet plus douloureux qu'autre chose. Je le prends comme une attaque de plein fouet», déplore Bertrand Bladt, contacté par Blick ce mardi. Le directeur historique du Manor du centre-ville, notoirement juif «de naissance, mais pas pratiquant» est directement visé par deux inscriptions à caractère antisémite.

«Liquidation finale: soldes de 39 à 45%», peut-on lire sur le magasin qui vient de fermer ses portes. «On a gazé la blatte, on a le monopole», est-il écrit, comme une réponse, sur la vitre du Marionnaud, concurrent de Manor situé à quelques mètres de l'ancienne placette.

La «blatte» représente assurément l'ancien directeur, parti en semi-retraite. «Ce qui est choquant, c'est que je suis Payernois depuis 35 ans et que je n'ai jamais eu de problème. Je suis apolitique. Et j'estime avoir fait mon devoir de citoyen en étant pompier volontaire durant 26 ans.»

Symbolique dans la Broye

L'antisémitisme est un sujet symbolique dans l'histoire de la petite ville de plus de 10'000 habitants. A Payerne, la famille Bladt est aussi connue pour avoir été visée dans l'affaire du Crime de Payerne, un meurtre antisémite commis par un groupuscule nazi en 1942, qui a mené à la mort du marchand de bétail juif Arthur Bloch. Vous avez peut-être lu le roman «Un Juif pour l'exemple», de Jacques Chessex, qui se déroule dans la commune de la Broye et qui raconte l'événement.

«Les gens qui ont fait ça ne se sont peut-être pas rendu compte qu'ils font ressortir de vieilles douleurs», s'attriste Bertrand Bladt. Au téléphone, il ne parle jamais directement d'antisémitisme: «On fait d'une fête populaire sympathique un truc vraiment d'un niveau de bas étage. C'est une démonstration de la bêtise humaine, en plus d'être déplacé et méchant.»

«C'est un sujet plus douloureux qu'autre chose. Je le prends comme une attaque de plein fouet», déplore Bertrand Bladt, contacté par Blick ce mardi. Le directeur historique du Manor du centre-ville, notoirement juif «de naissance, mais pas pratiquant» est directement visé par deux inscriptions à caractère antisémite.

«Liquidation finale: soldes de 39 à 45%», peut-on lire sur le magasin qui vient de fermer ses portes. «On a gazé la blatte, on a le monopole», est-il écrit, comme une réponse, sur la vitre du Marionnaud, concurrent de Manor situé à quelques mètres de l'ancienne placette.

La «blatte» représente assurément l'ancien directeur, parti en semi-retraite. «Ce qui est choquant, c'est que je suis Payernois depuis 35 ans et que je n'ai jamais eu de problème. Je suis apolitique. Et j'estime avoir fait mon devoir de citoyen en étant pompier volontaire durant 26 ans.»

Symbolique dans la Broye

L'antisémitisme est un sujet symbolique dans l'histoire de la petite ville de plus de 10'000 habitants. A Payerne, la famille Bladt est aussi connue pour avoir été visée dans l'affaire du Crime de Payerne, un meurtre antisémite commis par un groupuscule nazi en 1942, qui a mené à la mort du marchand de bétail juif Arthur Bloch. Vous avez peut-être lu le roman «Un Juif pour l'exemple», de Jacques Chessex, qui se déroule dans la commune de la Broye et qui raconte l'événement.

«Les gens qui ont fait ça ne se sont peut-être pas rendu compte qu'ils font ressortir de vieilles douleurs», s'attriste Bertrand Bladt. Au téléphone, il ne parle jamais directement d'antisémitisme: «On fait d'une fête populaire sympathique un truc vraiment d'un niveau de bas étage. C'est une démonstration de la bêtise humaine, en plus d'être déplacé et méchant.»

Sollicitée par «20 minutes», la Commission fédérale contre le racisme (CFR) estime que ces actes sont «inacceptables et doivent être condamnés». Son vice-président, Samson Yemane, déplore les dénonciations qui se répètent durant la période de Carnaval – pendant laquelle certains s'adonnent au blackface, cet acte à caractère raciste qui consiste à se peindre le visage pour incarner une personne noire.

Le comité d'organisation des Brandons n'a, pour le moment, pas répondu à nos sollicitations. Nous cherchions à savoir si de tels tags font partie de l'esprit du Carnaval. La RTS nous apprend que les autorités communales et le comité des Brandons communiqueront ce mardi. Le Vaudois Lucien Agasse, de son côté, voit dans cet événement un problème systémique: «Je me tiens le plus loin possible de cette manifestation, dans laquelle on a déjà vu des blackfaces par le passé.»

Pas les bienvenus aux Brandons?

Le Vaudois de 34 ans va jusqu'à estimer que certaines personnes à Payerne ne se sentent pas les bienvenues aux Brandons: «Cela concerne une partie des personnes racisées, ou encore certains qui vivent au quartier des Vernes, qui se trouve à l'extérieur de la ville et est plus multiculturel.»

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«En haut, une escalope sur une salade. En bas, une escalade sur une salope.», sur la vitre d'un café-striptease.
Photo: Lucien Agasse

Depuis quelques jours, ces messages sont à la vue de tous. «Il suffit de marcher dans la rue pour tomber dessus. Moi, par exemple, j'essayais juste d'aller à la gare, avant de constater des propos racistes, antisémites, sexistes, voire validistes.» En effet, d'autres inscriptions s'en prennent aux femmes, ou encore aux personnes handicapées.

Lucien Agasse interpelle directement l'Etat de Vaud et la Ville de Payerne. Selon lui, le Canton fait partie du problème puisqu'il organise très prochainement sa semaine d'actions contre le racisme, du 17 au 23 mars – à laquelle la commune de Payerne participe activement: «Est-ce qu'on doit parler de racisme uniquement durant cette semaine-là? Pour moi, c'est surtout une manière de se dédouaner.»

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